Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’autre part, la crainte de voir sa vie intérieure menacée la force à se créer une armée. En fin de compte, nous retrouvons encore la puissance militaire sous deux formes : armée et marine, chacune avec son objectif principal bien distinct.

Maintenant que nous avons établi pourquoi un pays doit avoir une marine de guerre, et à quoi cette marine doit servir, voyons comment les sacrifices consentis par le pays donneront le maximum d’effet utile.

Le sujet est vaste : nous le restreindrons en nous bornant à étudier : 1° la direction à donner aux constructions navales ; 2° la répartition de nos flottes entre la Méditerranée et l’Atlantique ; 3° la valeur stratégique de nos arsenaux comme bases navales.


1° Direction à donner aux constructions navales.

C’est pour avoir méconnu l’importance de la distinction que nous venons de préciser entre les rôles respectifs de l’armée et de la marine que la France a vu s’effriter sa puissance navale. Notre marine se meurt de ce qu’on lui a imposé une tâche qui ne doit pas être la sienne.

Notre frontière maritime est défendue par de nombreuses et de puissantes batteries de côtes qui coin mandent tous les points du littoral où un débarquement de quelque importance serait possible. Nos principales rades sont protégées par un système de mines sous-marines. En outre, l’armée, assez forte pour résister victorieusement aux millions d’ennemis qui pourraient franchir nos frontières terrestres, n’aurait qu’un geste à faire pour rejeter à la mer les quelques milliers d’hommes que pourrait débarquer sur nos côtes la plus puissante des flottes. Dans de semblables conditions il semble que la défense du territoire soit suffisamment assurée du côté de la mer. On en jugea autrement. En plus des protections déjà existantes (et contrairement au principe qui attribue à la marine le soin de défendre la vie extérieure du pays), on décida que le principal objectif de nos escadres serait de joindre ses efforts à ceux de l’armée pour défendre la vie intérieure du pays.

Alors on commença de voir nos escadres se promener majestueusement de Toulon à Villefranche ou Alger, de Brest à Cherbourg ou aux rades de Rochefort, sans jamais oser s’éloigner des eaux territoriales. Nos grands cuirassés de ligne étaient mal