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actuelle n’a ni résolu, ni supprimé les causes plus anciennes ou plus particulières de désaccord, mais elle se mêle à tout pour tout aggraver, pour tout fausser. L’attente de la grande lutte pèse sur le monde comme une inquiétude, trouble la vie comme un cauchemar ; les peuples, muets comme des oiseaux qui sentent venir l’orage, cherchent l’abri où ils puissent laisser passer la tourmente.

Le moment où le roi Edouard VII, empereur des Indes, et la reine Alexandra, viennent d’être, dans la capitale allemande, les hôtes très fêtés de l’empereur Guillaume II et de la municipalité de Berlin, nous paraît propice à une étude qui touche à tant de sujets délicats et dans laquelle on redoute toujours de ne sortir de la banalité que pour tomber dans l’indiscrétion. Le roi d’Angleterre n’était pas venu à Berlin depuis vingt ans ; ses apparitions en Allemagne, en dehors des cérémonies de famille, ont été très rares et très rapides, fugitifs arrêts au cours d’une saison d’eaux ; telle fut, l’été dernier, l’entrevue de Cronberg. Cette fois le Roi est venu spécialement pour visiter son neveu ; il est resté son hôte assez longtemps pour « causer ; » il était accompagné de sir Charles Hardinge et de lord Crewe, gendre de lord Rosebery qui lui-même fut l’ami du comte Herbert de Bismarck ; ces deux hommes d’Etat ont eu’ des entretiens avec le prince de Bülow et M. de Schœn. Les circonstances, notamment la signature de l’accord franco-allemand qui n’a précédé que de peu d’heures l’arrivée des souverains anglais, le ton unanime de la presse des deux pays, montrent que l’entrevue a eu un caractère de particulière cordialité ; elle marque, tout au moins, un désir de conciliation, d’entente. Les deux souverains ont mis dans leurs toasts certains mots qui dépassent la banalité des effusions familiales ; les peuples ont été associés aux politesses des rois. L’Empereur a dit :


Votre Majesté peut être assurée qu’en même temps que moi, ma capitale et résidence et l’Empire allemand tout entier, voient dans sa présence ici le signe des sentimens amicaux qui ont conduit Votre Majesté à faire cette visite. Le peuple allemand, salue le souverain du puissant Empire britannique avec le respect qui lui est dû, et il voit dans sa visite une nouvelle garantie de la continuation et du développement des relations amicales et pacifiques qui unissent nos deux pays. Je sais combien nos vœux concordent en ce qui concerne le maintien et la consolidation de la paix. Je ne saurais mieux souhaiter la bienvenue à Votre Majesté qu’en exprimant la ferme conviction que la visite de Votre Majesté contribuera à