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le monde des affaires et du commerce ; rechercher l’amitié française et maintenir intégralement les résultats acquis en 1870 ; regagner la confiance russe et continuer sa politique d’influence et d’expansion dans l’Empire ottoman ; concilier ses prévenances envers le Saint-Siège avec sa situation d’Empire luthérien et une politique panislamique ; satisfaire à la fois les hobereaux prussiens, agriculteurs et conservateurs, de l’Est et les industriels libéraux de l’Ouest. Toutes ces antinomies se reflètent dans l’esprit large et ouvert de Guillaume II, mais elles ne s’y résolvent pas. Son intelligence, toujours en mouvement, toujours inquiète, est sollicitée en sens contraire vers des objets qui la séduisent tour à tour et qui l’attirent sans pouvoir la retenir ; tant qu’il prépare un projet, il n’en aperçoit, dirait-on, que les avantages ; mais à peine l’a-t-il exécuté, qu’il n’en distingue plus que les inconvéniens. De là certaines incohérences apparentes dans la conduite de ses desseins, certaines hésitations entre les diverses avenues qui s’offrent à son activité. Il fait mettre en chantier de nouveaux cuirassés en même temps qu’il porte en Angleterre des paroles de paix et d’amitié ; ou bien il fait alterner un discours belliqueux à Metz ou à Strasbourg avec une attention courtoise envers la France ou une conversation amicale avec l’un de ses représentans. Il s’étonne, dit-on, que l’on s’étonne ; ces apparentes contradictions sont bien moins, en effet, le signe d’une intelligence versatile que la conséquence des contradictions irréductibles qui grèvent la politique de l’Empire allemand.

Il est superflu de rappeler ici toutes les fluctuations des relations de Guillaume II avec l’Angleterre ; il suffit d’en avoir analysé les causes profondes. C’est à partir de 1895 que les relations entre l’Empereur allemand et la Cour d’Angleterre devinrent plus froides ; pendant son séjour à Cowes, dans l’été, le petit-fils de la reine Victoria s’était montré plein de déférence pour sa grand’mère, mais très réservé sur la politique et décidé à ne rien céder de ses projets sur mer et outre-mer. La dépêche au président Krüger (2 janvier 1896), après le succès remporté sur Jameson par les Boërs, exaspéra l’irritation des Anglais. On a récemment discuté sur les origines et la rédaction du fameux télégramme : quel que soit celui à qui en remonte la responsabilité, il est certain que l’Empereur, en l’envoyant, a voulu affirmer que les Boërs, qui luttaient là-bas contre la