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« Va donc ! Chasse et combats les monstres des ténèbres
Mais pour ton long voyage et ton fervent travail,
Reçois ces trois amis, aux agiles vertèbres,
Plus fidèles, plus forts, plus fiers et plus célèbres
Que les coursiers divins au rayonnant poitrail.

« Ces trois chevaux sacrés contiennent la pensée
Qui se meut dans le sein des Dévas immortels,
Et quand la terre entend leur marche cadencée,
Elle tremble… et comprend que leur croupe élancée
Est faite pour franchir l’espace des grands ciels.

« Voici le cheval noir qui s’appelle : MYSTERE
Fils de la grande nuit, du limbe originel.
Le fauve a nom : DESIR, né du feu de la terre.
Le blanc vient du soleil comme un flot de lumière,
Son nom est : ESPERANCE OU SOUVENIR DU CIEL.

Dresse le cheval noir à labourer la terre,
Car il s’appelle aussi : DEUIL DES HEROS sacrés.
En remuant le sol pour la moisson altière,
Sache que la cité ne vit et ne prospère
Que par le culte saint des grands morts vénérés.

« Le fauve est ton cheval de combat. Qu’il hennisse !
Son galop portera ton courage indompté.
Il hait les tortueux, il aime la justice ;
Que derrière ses pas la rose refleurisse,
Car son nom immortel est : FLAMME DE BEAUTE.

« Mais quand tu passeras par le désert torride
Sur ton cheval de neige en un songe anxieux,
Écoute son pas doux et son souffle intrépide
Et suis son col tendu vers l’horizon splendide
Où luisent dans l’azur les sommets radieux.

« Car, flairant, dans l’air pur, les cimes du Caucase,
Ton cheval te dira, d’où tu viens… où tu vas…
Le soleil plongera dans la mer de topaze,
Et parfumé d’éther, comme un ange en extase,
Ton cœur se souviendra du monde des Dévas !… »