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résultat de cette médiocre intrigue a été de manifester de nouveau sa force et par cela même de l’augmenter.

Hussein Hilmi Pacha, appelé par le Sultan à former un nouveau Cabinet, lui était désigné par la confiance de la Chambre, et aussi par la décision habile et prompte avec laquelle il avait, en donnant sa démission, associé son sort à celui des ministres disgraciés. Hilmi Pacha, bien qu’il n’ait pas été à proprement parler un homme de l’ancien régime, est resté jusqu’au bout fidèle au Sultan : c’est seulement lorsque la Révolution a eu tout emporté devant elle et que Abd-ul-Hamid lui-même s’y est rallié, qu’il y a adhéré à son tour. Sa conduite, à ce moment, lui a valu de l’estime et de la considération. Au reste, Hilmi Pacha est connu de l’Europe. Comme inspecteur général des réformes en Macédoine, il s’est trouvé en rapports continuels avec ses représentans civils et militaires, et il a donné à tous l’impression d’un homme intelligent, loyal, animé de bonnes intentions. Que sera-t-il au ministère ? La situation est difficile ; peut-être sera-t-elle plus forte que lui. Cependant il est à croire que Hilmi Pacha continuera de montrer le même caractère, qu’une fois au pouvoir, il y sera fidèle au parti qui l’y a porté, enfin que son gouvernement s’efforcera de mettre les intérêts de l’Empire d’accord avec ceux de l’Europe, qui peuvent aujourd’hui se résumer en un seul mot, en un seul vœu : la paix.

On voudrait pouvoir dire que ces intérêts de la paix sont en ce moment entourés de solides garanties, mais ce serait montrer trop d’optimisme : les dernières nouvelles d’Orient semblent plus propres à inspirer le sentiment contraire. On a eu tort sans doute de laisser la situation s’aggraver de plus en plus entre la Serbie et l’Autriche-Hongrie : la tension est telle aujourd’hui que, si on n’arrive pas à la diminuer, ou plutôt à la supprimer, tout est à craindre. La moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres qu’on a imprudemment accumulées des deux côtés de la frontière. La Serbie arme, l’Autriche arme ; mais avons-nous besoin de dire quelle disproportion de forces il y a entre les deux pays ? La Serbie, livrée à elle-même, à elle seule, ne peut rien contre l’Autriche, sinon lui imposer le rôle odieux qui consiste, de la part d’une grande puissance, à en écraser une petite. Toutefois, on n’envisage pas la chose ainsi à Vienne : on n’y serait nullement fâché d’infliger une leçon à un petit voisin qu’on juge insupportable. Dès le premier jour, des voix s’y sont fait entendre pour dénoncer la Serbie au nom de son histoire récente, qui effectivement n’est pas très édifiante, et pour dire qu’il y avait là un nid