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qu’elle déclinerait l’invitation qu’on se préparait à lui adresser. Elle l’a déclinée par avance au moyen de ses journaux. Ils ont déclaré que la Serbie n’avait rien perdu aux remaniemens territoriaux qui avaient eu lieu et que, par conséquent, elle n’avait aucun dédommagement territorial à demander. Ce n’est pas à elle, mais à la Porte qu’appartenaient nominalement l’Herzégovine et la Bosnie : ce n’est donc pas avec elle, mais avec la Porte, et avec la Porte seule, que l’Autriche avait à traiter, sauf à obtenir par la suite l’adhésion des puissances signataires du traité de Berlin. Mais où sont, en tout cela, les titres de la Serbie, ont demandé les journaux autrichiens ? Quels traités, quelles conventions a-t-elle le droit d’invoquer ? On cherche et on ne trouve rien. Le dernier acte international est le traité de Berlin, qui a très consciemment enfermé la Serbie dans ses limites actuelles. L’Autriche ne lui a rien pris, personne ne lui a rien pris, et si on lui demande ce qu’elle a perdu, on s’aperçoit qu’elle a perdu seulement la possibilité de poursuivre des rêves où son imagination se complaisait. Ce sont là des choses pour lesquelles le droit des gens n’a pas encore admis que des compensations fussent dues.

Tel est le thème que les journaux autrichiens ont développé, et que les journaux allemands ont reproduit. Dès lors, il était facile de pressentir ce que répondrait le gouvernement de Berlin à la proposition que la France et l’Angleterre devaient lui faire : il a répondu par un refus poli, mais très net, de s’associer à une intervention qui devait rester sans résultat, puisque l’Autriche était décidée à ne pas l’admettre, en quoi il est resté fidèle aux intérêts de son allié, tels que celui-ci les comprenait. Cette attitude était naturelle, de sa part. L’Allemagne a payé ainsi à l’Autriche toute la dette qu’elle avait contractée envers elle à Algésiras, intérêts compris. L’Autriche, en effet, à Algésiras, n’avait jamais abandonné l’Allemagne, mais ne s’était pas refusée à chercher des solutions intermédiaires auxquelles celle-ci pouvait adhérer et qui rencontraient dès lors l’assentiment universel. L’Allemagne, aujourd’hui, n’a pas cru pouvoir aller aussi loin ; elle n’a pas cherché à mettre d’accord l’Autriche et les autres puissances ; elle s’est contentée de faire entendre qu’elle-même serait toujours d’accord avec l’Autriche, quoi que celle-ci pût décider. Nous n’avons pas à juger cette attitude ; nous devons seulement la prendre comme un fait et en tenir compte. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : la démarche franco-anglaise a échoué.

Il ne peut donc plus s’agir d’une intervention auprès du gouvernement autrichien et du gouvernement serbe : reste à savoir si