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La négation de la négation, l’affirmation nouvelle, troisième moment du procès dialectique, serait, selon Marx, non la propriété privée, mais la « propriété individuelle » consistant dans la « communauté » absolue. Bel exemple de l’identité des contradictoires ! Mais qui croira que la propriété individuelle consiste à n’être propriétaire qu’avec la communauté et dans la communauté ? à n’être propriétaire qu’avec la totalité des Français ou, pour être logique, qu’avec la totalité des humains ? Si le marteau du forgeron est le marteau du genre humain, ou, tout au moins, de la vaste conmunauté dont le forgeron fait partie, il n’y a plus propriété individuelle : aucun tour de passe-passe dialectique ne nous persuadera que cette manière de posséder, ou plutôt de ne pas posséder, est une propriété.

La prédiction finale du communisme par Marx est en contradiction avec la méthode expérimentale et avec les données historiques. Vous répétez à satiété que le moulin à eau nous a donné la société féodale, que le moulin à vapeur, impossible à prévoir sous la féodalité, a donné la société capitaliste ; comment donc vous, serait-il possible aujourd’hui de prévoir quelle forme de société donnera le moulin à électricité et « le moulin qui succédera à ce moulin ? » Les futures découvertes de la science et leurs répercussions sur l’organisation sociale restent pour nous, comme on l’a fort bien dit, « le livre aux sept sceaux. »

Selon Marx, en même temps que la concentration capitaliste, notre époque voit se développer, sur une échelle toujours croissante, l’application de la science à la technique, la transformation des outils individuels en instrumens qui ne peuvent exercer leur puissance que par l’usage commun. — Sans doute ; mais ne jouons pas sur le mot commun. Ce terme ne désigne pas nécessairement la communauté socialiste ou communiste ; il s’applique tout aussi bien à n’importe quelle association d’hommes travaillant en commun. A vrai dire, le travail absolument isolé et individuel est très rare. Dès le début de l’humanité, on a travaillé à deux, à trois, à quatre, en commun. De ce que la libre coopération est vieille comme le monde, il ne résulte pas que le collectivisme et le communisme, c’est-à-dire la coopération forcée et réglementée par l’administration, soit l’idéal scientifique de l’humanité. De tels raisonnemens n’ont rien de conforme à la vraie méthode. Il est impossible de prouver que le communisme, en fait et en droit, soit l’aboutissant du mouvement