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Le prince héritier de la principauté de Bade, fils de Charles-Frédéric, margrave régnant, était marié et père de plusieurs filles. Les deux aînées étaient jumelles ; elles avaient quinze ans. Il ne pouvait être question d’elles pour Alexandre, plus jeune d’une année. Mais il y en avait deux autres : la princesse Louise, âgée de treize ans, et la princesse Frédérique, âgée de dix ans. Catherine connaissait leur mère, sœur de la première femme de Paul, venue jadis en Russie, et le souvenir qu’elle avait gardé de ses mérites ne contribua pas peu à fixer ses résolutions. Elle chargeait alors le comte Nicolas Romanzoff, son envoyé près des petites cours allemandes, de recueillir des renseignemens sur les deux fillettes. Etaient-elles jolies, bien portantes ? Comment étaient-elles élevées ? Distinguait-on en elles des qualités morales ? Que valaient-elles au point de vue du caractère ? Romanzoff se mettait aussitôt en campagne : il allait à Carlsruhe, y faisait un assez long séjour et, au mois de mars 1791, il envoyait à l’Impératrice les informations qu’elle lui avait demandées.

Elles étaient favorables et donnaient des jeunes princesses l’idée la plus avantageuse. A en croire Romanzoff, dont les lettres sont sous nos yeux, la princesse Louise est plus forte, plus développée qu’on ne l’est communément à son âge, jolie sans être absolument belle, beaucoup de douceur, d’aménité, de politesse et surtout de la grâce, « ce qui fait qu’elle s’embellit quand elle parle et que le don de la nature porte un charme particulier sur ses actions. Elle réunit pour elle le suffrage public, de préférence à toutes ses sœurs. On vante son caractère comme on cite sa figure et sa fraîcheur pour être un sûr garant de sa santé. » À ce charmant portrait, il n’y a qu’une ombre. La princesse Louise ayant déjà de l’embonpoint, on peut craindre qu’elle n’en prenne un jour beaucoup trop.

Romanzoff n’est pas moins élogieux pour la princesse Frédérique. Sans doute, elle est encore un peu frêle, plus timide que sa sœur, ce qui la rend souvent silencieuse. Mais elle a de grands et beaux yeux, un air de gravité qui semble annoncer plus d’étoffe « et sa timidité ne provient que d’une sorte de réserve qui tient au caractère. » En finissant ce panégyrique des deux sœurs, Romanzoff en revient à l’aînée pour signaler encore à son avantage son enjouement, « qui annonce de la gaité, mais une gaîté douce et non pas bruyante. »