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s’approcha pas de moi et me regardait d’un air hostile. » Elle le calomniait en caractérisant d’ « air hostile » ce qui n’était que l’effet d’une gêne égale à celle qu’elle éprouvait elle-même en présence de ce jeune homme qui, la veille encore, lui était inconnu. A cette gêne réciproque allaient succéder bien. vite des allures de camaraderie sur lesquelles ne tarda pas à se greffer l’amour, tel que pouvaient le ressentir deux êtres encore si peu préparés, semble-t-il, à apprécier les joies de la tendresse conjugale.


II

En voyant les deux sœurs, l’Impératrice n’avait pas hésité à porter son dévolu sur l’aînée. La cadette était encore par trop petite fille pour attirer l’attention et fixer le cœur d’un adolescent à qui, malgré sa jeunesse, les femmes de la Cour ne se faisaient pas faute de prodiguer d’encourageans sourires et qui n’en était plus à se méprendre à la signification de leurs avances. La princesse Louise, au contraire, avec ses traits gracieux, l’expression de son regard, son charme majestueux, sa taille élevée, était en état d’inspirer les sentimens les plus tendres, et son esprit d’à-propos, sa bonté d’âme, les qualités qui lui gagnaient déjà tous ceux qui l’approchaient, la montraient capable de comprendre, de partager ces sentimens et d’y répondre quand elle en recevrait l’aveu. Telle était l’opinion que, sur le premier moment, elle donnait d’elle à Catherine et qui faisait souhaiter à celle-ci qu’elle fixât le choix de son petit-fils. Mais ce choix, Catherine ne voulait pas l’influencer, et Alexandre fut abandonné à lui-même.

Il semble bien que la princesse Louise ait été quelque peu déçue par la froideur que d’abord il manifeste à son égard, et que l’impression qu’il produisit sur elle ne fut pas favorable. Elle l’a écrit à sa mère ; elle lui a dit qu’elle ne se plaisait pas en Russie, qu’il lui sera impossible d’y rester. Mais cet accès d’humeur se dissipe au contact du grand-duc, au fur et à mesure qu’elle le voit redevenir lui-même, prendre plaisir à la fréquenter, à se mêler à ses jeux, se montrer amical, bon enfant et lui prouver ainsi qu’il était toujours heureux de se trouver avec elle. Cette métamorphose s’opère au milieu des fêtes de la Cour, qui se succèdent sans interruption et dans lesquelles figurent toujours les deux petites princesses. Du reste, si elles s’amusent,