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LE TRAVAIL INTELLECTUEL
CHEZ LES AVEUGLES

Voici deux mois à peine, le petit monde des aveugles, était en fête. On célébrait le centenaire de la naissance de Louis Braille, qui est, chez les aveugles, l’objet d’une grande vénération et d’une profonde reconnaissance. Aveugle lui-même à l’âge de trois ans, professeur depuis 1828 à l’Institution royale des jeunes aveugles où il avait été élevé, il a consacré toutes ses pensées et toute sa vie à améliorer le sort de ses compagnons d’infortune, et c’est lui qui les a dotés du procédé d’écriture et de lecture qui est aujourd’hui employé dans le monde entier. Sa mémoire n’est pas moins chère que celle de Valentin Haüy. Si Valentin Haüy a eu l’idée d’instruire les aveugles, Louis Braille a découvert les moyens qui ont permis à cette instruction de porter tous ses fruits[1].

Leurs efforts réunis ont transformé la vie des aveugles. Avant eux, seuls quelques aveugles, placés dans des circonstances privilégiées, parvenaient à développer leurs facultés ; tous aujourd’hui sont appelés à la culture intellectuelle et morale, tous peuvent mener une existence utile dans la société. Et malgré cette transformation, le préjugé de la cécité subsiste toujours : il ne recule que bien lentement. Dans presque tous les esprits, toujours le mot aveugle évoque la même image pitoyable et fausse. Derrière ces yeux éteints, cette face sans vie, le premier

  1. Voyez, sur Valentin Haüy, Louis Braille et l’Institution des Jeunes aveugles, les études publiées par Maxime Du Camp, dans les livraisons de la Revue du 15 avril 1873 et du 1er mars 1881.