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arrière-tante, et confirmé la justesse des suppositions d’Alexandre Thayer. « Oui, c’est bien la comtesse Thérèse Brunsvick qui a été l’immortelle bien-aimée de Beethoven ! » ont-elles dit à Mme La Mara, en même temps qu’elles l’autorisaient à publier le manuscrit des Mémoires que leur avait légué la vieille demoiselle.


Et maintenant il faut que j’avoue une chose singulière, qui, sans doute, va causer d’abord au lecteur la déception que j’ai éprouvée moi-même en la découvrant : dans ces longs Mémoires, où Thérèse Brunsvick nous entretient abondamment des moindres particularités de sa vie familiale, aucune allusion ne se rencontre à ses rapports avec Beethoven ! Celui-ci nous y apparaît seulement au début, lorsque l’auteur décrit sa première visite à Vienne avec sa mère et sa sœur. Nous voyons les deux jeunes filles gravissant, un rouleau de musique sous le bras, le mauvais escalier qui mène à la chambre du professeur ; nous les voyons exécutant leur sonate, et puis obtenant du maître la promesse de venir, chaque jour, leur donner des leçons. Et puis, après cette peinture des origines de l’amitié, plus un seul mot sur le grand homme qui a inscrit le nom de Thérèse Brunsvick en tête de la sonate qu’il aimait le mieux, sur l’homme qui, tous les ans, jusqu’en 1810, a été l’hôte des Brunsvick dans leurs maisons ou châteaux de Hongrie ! Au lieu de nous parler de lui, Thérèse nous expose les circonstances déplorables du mariage de sa jeune sœur ; elle nous raconte ses voyages en Italie et en Suisse, son séjour auprès du pédagogue Pestalozzi, et de quelle façon, vers 1810, elle a entrepris de se vouer tout entière à la fondation de ces écoles enfantines qui devaient, en effet, l’occuper pendant tout le reste de sa vie. Sans cesse elle s’arrête à nous peindre des figures de voisins de campagne, de voyageurs, d’amis de son frère ou d’autres comparses aperçus par hasard : et les mois, les années défilent devant nous, sans qu’elle paraisse se souvenir d’avoir revu celui qui la connaissait assez intimement pour écrire à François Brunsvick : « Embrasse, pour moi, ta sœur Thérèse ! » Enfin nous apprenons qu’un jour, aux environs de 1814, un certain baron C. P., jeune, élégant et riche, s’est pris d’amour pour elle, et lui a demandé de devenir sa femme ; elle lui a fait attendre sa réponse neuf ans, toujours lui promettant de « réfléchir » à son offre ; et lorsque ce patient amoureux l’a mise en demeure de se décider, une fois de plus elle s’est excusée, en riant, de n’avoir pas trouvé le temps de « réfléchir. » A quoi Thérèse Brunsvick ajoute, en manière de conclusion : « Les attentions du