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conséquence nécessaire nous parât être, au lieu d’interrompre les négociations, de les poursuivre avec d’autant plus d’ardeur qu’elles ne seraient plus dénuées de succès. Décidés à ne pas nous écarter des règles internationales consacrées, nous ne pouvions pas nous adresser à l’Espagne. Mercier nous avait recommandé cette abstention dès le 24 juin : « Notre opposition aura d’autant plus de poids dans les calculs qu’elle sera directement à l’adresse de la Prusse et qu’elle n’aura par conséquent rien de blessant pour la fierté espagnole. »

S’adresser à l’Espagne, c’était tomber dans le piège que nous tendait Bismarck. Néanmoins, sans entamer une négociation proprement dite, sans note ni ultimatum, nous crûmes que nous devions tenter une fois encore d’amadouer et d’effrayer le gouvernement espagnol. Gramont télégraphia à Mercier : « Vous direz au maréchal Prim que ce choix est le plus mauvais qu’on pût faire et que la blessure nationale qui en résulte pour la France est très vivement ressentie par Sa Majesté. Ceux qui le proposent et le conseillent à l’Espagne assument une responsabilité bien considérable devant leur pays et devant l’Europe. Vous êtes entré complètement dans la pensée de l’Empereur, maintenez-vous sur le terrain où vous êtes placé. Dites bien que rien n’est plus loin de notre pensée que de vouloir exercer une pression sur la liberté de la nation espagnole, mais que vraiment l’épreuve est trop forte pour nous. Nous avons l’espoir que notre appel sera entendu et que ce gouvernement ami, que ce grand peuple profondément convaincu des sentimens dont nous avons été constamment animés envers lui, reconnaîtra la légitimité de notre émotion à la pensée qu’il pourrait devenir l’instrument de desseins si contraires à nos intérêts politiques. Et si, malgré nos légitimes représentations, le prince de Hohenzollern était élu, quelle que soit notre amitié pour l’Espagne, nous serions dans la douloureuse nécessité de ne pas le reconnaître. »

Mercier a beau dire, Prim ne l’écoute pas et ne s’arrête pas. Il continue l’organisation de l’élection aussi tranquillement que si nous n’avions rien dit. « Il ne reste plus qu’à aller en avant, » dit-il à un banquier de Madrid. Il écrivait à un ami : « Vous connaissez mieux que personne mes sympathies et mon affection pour tout ce qui touche à la France, ainsi que mon respect pour l’Empereur. Vous comprendrez, par conséquent, mon profond chagrin en voyant que les circonstances sont de nature à