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déclara « persécuté dangereux, » et délivra un certificat grâce auquel on put conduire le mari aux paroles menaçantes à l’hospice de Charenton.

Seulement, comme la loi de 1838 ordonne la présentation d’un certificat médical à l’entrée dans l’établissement et d’un second certificat après quinze jours d’observation, il arriva que le médecin de Charenton, n’ayant trouvé chez son nouveau pensionnaire « aucun signe de folie, » le fit savoir à qui de droit. Devant cette flagrante contradiction, le préfet responsable des aliénés déclarés « dangereux » s’entoura de tous les renseignemens que la même loi de 1838 lui prescrit de recueillir. Des inspecteurs préfectoraux vinrent, interrogèrent et examinèrent ce pensionnaire. En fin de compte, l’affaire se termina par la mise en liberté de l’intéressé, le 6 janvier 1903.

Certes, c’est une fâcheuse aventure, et celui qui reste deux mois indûment enfermé doit trouver déplorable une législation qui permet de pareilles iniquités ; il n’en est pas moins vrai : 1° que la justice l’a emporté, ce qui n’est pas toujours le cas en ce monde ; 2° que si pareil malheur était arrivé avant la loi de 1838, le pauvre homme de lettres étranger aurait passé à l’asile le reste de sa vie, mais en cellule, camisolé et battu.

Il faut donc reconnaître que cette loi constitue un progrès réel sur l’état antérieur et que, si elle permet des lenteurs, elle offre de sérieuses garanties comparativement à l’anarchie, à l’arbitraire, au laisser faire qui régnaient avant elle. Ce qui a paru surtout rassurant dans cette loi, ce sont les visites des autorités administratives et judiciaires avec obligation d’entendre les plaintes des pensionnaires et de se donner la peine de vérifier jusqu’à quel point elles se justifient.

Il est vrai que ces inspections, d’après le même article de la loi, ne doivent pas se faire trop fréquemment : dans les établissemens privés, à des jours indéterminés, une fois au moins chaque trimestre ; dans les asiles publics, une fois au moins par semestre…

Mais le titre actuellement le plus contesté de la loi de 1838 est celui qui est relatif à des placemens faits dans les établissemens d’aliénés.

Ce placement peut être de deux sortes : 1° volontaire et 2° d’office. Le premier s’applique à toute personne atteinte d’aliénation mentale, quelle qu’en soit la variété clinique. Le