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opposition à l’internement a été formulée par l’aliéné, le conjoint, un membre de la famille, un ami, la décision sera prise par le tribunal qui statuera d’urgence, en Chambre du conseil. Toutes les fois que le tribunal ne croit pas pouvoir statuer définitivement, il ordonne, sous la réserve de tous autres moyens d’information, une expertise qui sera faite contradictoirement par deux médecins, dont l’un sera désigné par l’aliéné ou son représentant.

Il est clair, tout d’abord, que les magistrats composant ce tribunal, ne pourront juger l’opportunité de l’admission définitive du malade que sur pièces médicales et administratives. Pourront-ils apprécier réellement la valeur intrinsèque d’un rapport médical, discuter les moyens employés pour examiner le malade et les argumens avancés pour arriver au diagnostic ? Est-ce là, d’ailleurs, le rôle d’un tribunal ?

N’est-il pas à craindre que les magistrats, fort occupés par leurs fonctions habituelles, se contentent de porter sur le dossier du malade à interner définitivement un coup d’œil superficiel, alors que, peut-être, ce dossier aurait besoin d’être scruté à fond, dans ses moindres détails médicaux d’ordre technique ? On a dit aussi, et c’est parfaitement soutenable, que ce dossier du malade contient des secrets de famille qu’il est difficile, sinon impossible de garder lorsque toutes les pièces qui le composent sont fatalement à la disposition de divers membres de la magistrature. Que devient ce quartier d’observation qui, pour rassurer le public, doit être un endroit discret dont l’entrée comme la sortie devraient rester inaperçues ? Et tout cela pourquoi ? pour contrôler le placement provisoirement effectué par voie administrative ?

Mais puisque ce contrôle sera forcément illusoire et non effectif, pourquoi le pratiquer ? Le législateur veut, c’est la pensée dominante et excellente du projet du docteur Dubief, traiter les malades le plus tôt et le mieux possible.

C’est la pensée de tous les aliénistes depuis Esquirol jusqu’à nos jours. L’intervention de la magistrature est-elle de nature à engager les familles à faire entrer rapidement leurs malades dans des établissemens spéciaux ? N’est-il pas à craindre qu’elles se laissent arrêter par cette formalité qui leur paraîtra superflue et surtout compliquée, officielle, indiscrète ? Alors, elles chercheront, comme aujourd’hui, à retarder le plus