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II

Les démarches de la diplomatie amie n’eurent aucune espèce de succès à Berlin. Thile persista dans son mutisme gouailleur et commença, par ses télégrammes à ses agens, la série cynique des impostures prussiennes : « La Prusse ne s’était jamais mêlée du choix d’un monarque en Espagne ; toute discussion confidentielle et détaillée avec la France avait été empêchée par le ton que le ministre français avait pris en parlant publiquement devant les Chambres. » Deux mensonges accolés l’un à l’autre : le ministre français avait parlé devant les Chambres le 6, et la discussion confidentielle et détaillée avait été refusée le 4.

La diplomatie européenne n’eut pas meilleure fortune à Madrid. L’habileté avec laquelle nous avions évité de froisser le sentiment espagnol avait placé Prim dans une situation difficile. Ni Serrano ni Sagasta n’avaient été initiés à sa trame, Sagasta avait même donné de bonne foi sa parole à Mercier qu’il n’y avait eu aucune lettre échangée entre Prim et Bismarck. Prim, ne pouvant leur révéler sa vilaine action, s’établit définitivement dans la berquinade qu’il avait esquissée avec Mercier. Il se donna un rôle d’innocent, surpris de l’émotion qu’il avait produite, consterné des nouvelles reçues de Paris : il n’avait eu aucune mauvaise intention contre la France et contre son Empereur ; il n’avait pas soupçonné que l’un ou l’autre pût s’alarmer d’une combinaison inspirée seulement par l’urgence de sortir d’un intérim désastreux ; le secret n’avait été gardé que pour éviter une discussion prématurée qui eût empêché la solution ; il avait eu si peu l’intention de froisser l’Empereur qu’il comptait, en allant à Vichy, obtenir son adhésion, en même temps que le prince Léopold informerait directement Napoléon III de sa candidature. Il donnait une apparence de sérieux à ces faussetés criantes, mais non encore démasquées en ce moment, en feignant de nous aider à sortir de l’embarras où il nous avait plongés « sans le savoir. » — « Comment nous tirer de là ? dit-il à Mercier. Je ne vois qu’un moyen : que le prince me dise rencontrer des obstacles au consentement du Roi ; alors moi, je lui faciliterai la retraite. — Prenez l’initiative,… » fait Mercier.