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pressant, de lui répondre : « Mon ministre des Affaires étrangères est à Varzin[1]. » En effet, l’affaire Hohenzollern tourmentait beaucoup le Moi. Il avait été fort contrarié de l’incident imprévu qui l’avait fait ébruiter trop tôt. Il écrivait à la Reine le 5 juillet : « La bombe espagnole a ainsi éclaté d’un seul coup, mais d’une tout autre façon qu’on ne l’avait dit. Nous n’avons pas eu un mot là-dessus du cousin. À Berlin, le chargé d’affaires français en a déjà parlé à Thile qui lui répondait naturellement que le gouvernement était complètement étranger à l’affaire, et que ce qui avait été négocié entre Prim et la famille Hohenzollern n’avait pas encore été communiqué ici. À Paris, le ministre a aussi questionné Werther qui a pu lui répondre, avec une conscience très nette, qu’il ne savait absolument rien de cela. »

Le 6 juillet, Guillaume écrit au prince Antoine, « qu’il ne peut pas comprendre que le général Prim ait communiqué à l’ambassadeur de France l’acceptation du prince héréditaire avant que les Cor tes eussent été consultées. Je tiens pour possible que l’émotion produite en France puisse encore s’apaiser, mais regrette cependant qu’on n’ait pas suivi l’avis exprimé d’abord par le prince de Hohenzollern, qu’on devait s’assurer l’assentiment de la France. On ne l’a pas fait, parce que le général Prim a désiré le secret et que le comte Bismarck a fait valoir que chaque nation est libre de choisir son Roi sans consulter une autre nation[2]. »

Notre déclaration produisit sur le Roi l’effet salutaire que nous en attendions ; elle froissa, cela n’est pas douteux, ses susceptibilités, mais elle le mit en même temps en présence de la réalité et le convainquit que l’émotion publique en France ne se calmerait que par la retraite du prince Léopold. Les scrupules qui l’avaient arrêté avant de s’engager dans l’entreprise se réveillèrent ; sa conscience qui était droite, lorsqu’on ne l’aveuglait point par de fallacieuses apparences, se rendit compte de l’action

  1. D’après Oncken, Bismarck dans sa colère aurait rédigé un premier télégramme. « Mobiliser immédiatement, déclarer la guerre et attaquer avant que la France soit prête. » Ce télégramme est considéré par la critique allemande comme une supposition non fondée. Il n’en faut pas plus tenir compte que des historiettes que l’on raconte sur l’étonnement et la colère de Bismarck à Varzin lorsqu’il lut la déclaration, de Gramont dont il ne fut indigné que plus tard, lorsqu’elle eut produit son effet contre lui.
  2. Mémoires du roi Charles de Roumanie, 6 juillet 1870.