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« Gramont m’a dit que je pouvais annoncer à Votre Seigneurie que si le prince de Hohenzollern, sur le conseil du roi de Prusse, consentait à retirer son acceptation de la couronne d’Espagne, toute l’affaire serait finie[1]. »


V

Dans la matinée du 9, à Ems, Werther vint aux renseignemens auprès de Benedetti, afin que le Roi, instruit de ce que celui-ci allait lui demander, ne fût pas surpris. Notre ambassadeur lui fit connaître nos sentimens, nos prétentions, notre désir d’une solution immédiate. Werther ne dissimula pas que « Sa Majesté, ayant été consultée par le prince de Hohenzollern, n’avait pas cru pouvoir mettre obstacle à son désir d’accepter la couronne d’Espagne, et qu’il lui était maintenant bien difficile, sinon impossible, de l’inviter à y renoncer[2]. » Benedetti alla ensuite exposer au Roi, avec beaucoup de tact et de respect, dans une forme très ferme et très mesurée, l’objet de sa mission, il fit appel à la sagesse et au cœur de Guillaume et le supplia de conseiller au prince Léopold de revenir sur son acceptation. Il lui décrivit l’émotion que cette candidature avait causée en France, émotion partagée dans d’autres pays, en Angleterre notamment, où les organes de la presse étaient unanimes à déplorer une combinaison également funeste au repos de l’Espagne et au maintien des bonnes relations entre les grandes puissances ; il l’assura que le gouvernement de l’Empereur n’avait aucun autre désir que de mettre un terme à cette émotion ; il conjura le Roi de donner à l’Europe un témoignage de ses sentimens généreux : le gouvernement de l’Empereur y verrait une garantie de la consolidation de ses bons rapports avec le gouvernement de Sa Majesté, et se féliciterait beaucoup de cette résolution qui serait accueillie partout avec non moins de gratitude que de satisfaction.

Le Roi développa, avec une décision calme et courtoise, le système très médité qu’il entendait opposer à nos réclamations et

  1. Lyons à Granville, 8 juillet.
  2. Il ne dit pas, comme l’affirme faussement Sybel, que le Roi n’avait pas pu empêcher, il dit qu’il n’avait pas cru pouvoir empêcher. Ce qui impliquait au contraire qu’il l’aurait pu.