Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/753

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIII

L’audience accordée par le Roi le 11 juillet à Benedetti eut encore un caractère dilatoire. Le Roi avait, en effet, reçu la veille une lettre du prince Antoine qui ne l’avait pas satisfait : « Le cousin, écrit le Roi, est très impressionné de la tournure que prennent les choses à Paris, mais il croit qu’il ne peut pas reculer, et que c’est moi qui dois rompre. J’ai répondu que je ne pouvais rien faire dans cette affaire, mais que j’approuverais une rupture de son côté (avec joie). » Il trouve les cousins bien durs à comprendre, et il envoie un second messager à Sigmaringen, le colonel Strantz, chargé d’une lettre qui disait : « Il est visible que la France veut la guerre, mais, dans le cas où le prince Antoine aurait décidé la renonciation du prince héréditaire à la candidature espagnole, le Roi, comme chef de la maison, serait d’accord avec lui, comme lorsqu’il avait exprimé quelques semaines auparavant son assentiment à l’acceptation. » Et le Roi écrivait encore à la Reine : « Dieu veuille que les Hohenzollern aient une bonne compréhension. » Inquiet de notre insistance comme nous l’étions nous-mêmes de ses ajourne-mens, il avait télégraphié à Roon rentré à Berlin : « Les nouvelles de Paris qui ont été communiquées à Votre Excellence par l’Office des Affaires étrangères exigent que vous prépariez les mesures nécessaires pour la sûreté de la province du Rhin, de Mayence et de Saarbrück. » Roon avait répondu, après avoir délibéré avec les ministres et les généraux présens, qu’aucune mesure spéciale n’était immédiatement nécessaire, que Saarbrück pouvait être mis en vingt-quatre heures, et Mayence en quarante-huit, en état de défense. Si la guerre paraissait indispensable, il conseillerait la mobilisation de l’armée d’un seul coup.

La seconde audience du 11 à midi n’améliora donc pas l’état des choses ; elle l’empira plutôt. Le Roi, ne pouvant raconter ses pourparlers jusque-là inutiles avec les cousins de Sigmaringen, inventa une fable : « Le prince Léopold comptant que, selon le programme de Prim, les Cortès ne seraient convoquées que dans trois mois et qu’alors seulement la combinaison serait rendue publique, avait cru pouvoir s’éloigner sans inconvénient[1].

  1. Les dépêches envoyées par Salazar après le consentement du Roi et reproduites par le major Versen démentent cette affirmation et établissent que c’est bien en juillet que l’affaire devait être enlevée et que ce voyage du prince n’est qu’une fiction.