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qu’il est plus menacé, et qu’en dépit des attaques et des calomnies de nos détracteurs, nous pouvons nous rendre ce témoignage que notre langue et notre esprit, en Orient, plus que partout ailleurs, sont demeurés au service du droit, de la justice, de l’humanité, de toutes les grandes idées que, malgré de passagères défaillances et d’apparentes contradictions, la France peut se vanter d’avoir, plus qu’aucune autre nation, personnifiées dans le monde. Peut-être n’en avons-nous pas assez conscience, l’ascendant de notre langue et de notre génie dépend, aux yeux des peuples, de notre fidélité aux maximes du nouvel Evangile dont, depuis quatre ou cinq générations, nos philosophes et nos publicistes se sont proclamés les apôtres. Heureusement pour nous, l’étranger ne nous voit que de loin ; les sophismes de nos politiciens ne parviennent pas jusqu’à ses oreilles où résonne encore l’écho des grandes voix françaises d’autrefois. L’étranger est peu frappé des inconséquences de nos gouvernans, et ne souffrant pas des fautes ou des vices de notre politique, il ne les sent point ou ne s’en souvient guère.

Voyant, en la France contemporaine, une grande démocratie qui a sa règle en elle-même et se soumet pacifiquement à ses propres lois, l’Europe demeurée en monarchie, la vieille Europe, si longtemps secouée par nos révolutions, nous témoigne plus d’indulgence que nous n’en méritons parfois. Puis, comme les fautes de nos gouvernans et les témérités de nos assemblées semblent moins provenir de notre tempérament national que des tendances mêmes de notre époque et des aspirations d’une démocratie impatiente, on comprend que l’étranger se montre d’autant moins sévère pour nous qu’il est souvent lui-même enclin à suivre les mêmes chemins que nous.

Aussi n’est-il pas vrai, comme on l’affirme parfois chez nous, que notre influence morale est partout en déclin. Si notre gouvernement et notre parlement avaient seulement eu la sagesse de montrer plus de prudence et plus d’équité dans les questions religieuses, s’ils avaient su opérer la séparation de l’Eglise et de l’Etat avec plus d’esprit de liberté et de justice, on pourrait, au contraire, affirmer sans paradoxe que la France de la troisième République a recouvré à l’étranger la meilleure part de son ascendant d’autrefois. Encore, bien que les vexations et les mesquineries de notre anticléricalisme officiel nous aient aliéné bien des sympathies, est-il juste de dire que nos anciens amis en