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française durant la crise ouverte par la révolution turque et par l’annexion de la Bosnie-Herzégovine ; et quand les passions nationales, fatalement soulevées par ce double événement, viendront à se calmer, nous pouvons espérer que l’Orient comme l’Occident rendront justice à nos efforts pour le maintien de la paix et le rétablissement de la concorde.


II

Au seuil de l’Orient, sur le moyen Danube, se déroulent, à l’abri de la haute muraille des Carpathes, les riches plaines de la Hongrie. Là domine, depuis déjà plus de mille ans, un peuple aux obscures origines orientales, venu des profondeurs de l’Asie, et qui, seul entre ses barbares congénères, a réussi à fonder un État européen policé et durable, peuple énergique et indomptable, qui, à travers dix siècles de luttes, est parvenu à maintenir son individualité nationale au confluent des races, entre les Allemands, les Slaves, les Turcs, les Roumains. Peuple ancien et jeune à la fois, fier de ses longs souvenirs et de ses rudes aïeux, puisant sa force et sa confiance en ses lointaines traditions, peuple à structure encore aristocratique, aimant à donner pour appui, à ses revendications présentes ou à ses ambitions d’avenir, les droits à ses yeux imprescriptibles de la couronne de Saint-Etienne, le peuple magyar n’a rien d’un parvenu. Ses révolutions mêmes, il se plaît à les faire au nom de ses droits et privilèges anciens, n’admettant pas qu’aucun des titres hérités de ses rois nationaux puisse être jamais périmé. Peuple politique en même temps que peuple militaire, au génie tenace, dont rien ne lasse les patientes énergies, il a su reconquérir pacifiquement, légalement, l’indépendance affirmée et perdue dans les glorieuses et trop inégales batailles de 1849. Après une courte période de luttes où leur constitution séculaire, la doyenne du continent, avait semblé de nouveau en péril, l’entente s’est refaite entre la nation et la couronne. Les patriotes qui pour symbole avaient arboré la tulipe nationale sont rentrés en vainqueurs dans le fastueux palais du Parlement. Avec le parti de l’indépendance, ont triomphé aux élections les héritiers des rebelles de 1848, et un Kossuth, fils du dictateur renversé il y a un demi-siècle par les armes austro-russes, est aujourd’hui ministre de Sa Majesté Apostolique, le roi François-Joseph.