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entre ceux qui possèdent le moins et ceux qui possèdent le plus.

À ces détracteurs du présent quelques économistes ont cru faire une réponse péremptoire, en montrant la plus-value de la main-d’œuvre concordant avec la baisse du taux de l’intérêt. Il n’a pas été difficile à leurs adversaires d’observer : que le taux de l’intérêt ne signifiait rien ici, que les capitaux pouvaient grossir dans leur ensemble beaucoup plus que leur loyer ne s’amoindrissait. Si le fait se produit, si, dans les recettes globales des Français, les capitalistes prennent plus et les travailleurs moins qu’il y a un siècle, c’est la preuve, concluent-ils, que le progrès profite aux capitalistes plus qu’aux travailleurs.

Remarquons d’abord que les variations du taux de l’intérêt n’ont rien à démêler avec celles des salaires. Aucune connexité entre ces deux phénomènes ; l’histoire fournit des exemples, soit d’une baisse des salaires coïncidant avec une baisse du taux de l’intérêt, — au XVIe siècle, — soit des prix du travail doublant, pendant que le loyer de l’argent demeure immobile — XIVe au XVe siècle. — Sans chercher dans le passé, si nous jetons un regard sur le globe nous voyons aux Etats-Unis l’intérêt élevé de même que les salaires ; en Russie, les salaires bas et l’argent cher ; en Belgique, les salaires et l’argent également bon marché.

En France, le taux de l’intérêt, après avoir baissé de 1815 à 1848 jusqu’à 3 pour 100, remonta sous le second Empire à plus de 5, et, de sa baisse récente depuis trente ans, il faut exclure les revenus fixes, dont la capitalisation plus haute accroît nominalement la fortune publique. C’est un point important à considérer, puisque le grand argument, pour convaincre le travailleur qu’il est spolié, consiste à lui dire : Pendant que le capital sextuplait, — de 1800 à 1908, — les salaires ont simplement quadruplé.

Il est pourtant indéniable que, dans l’industrie et le commerce, la part du patron a diminué. Pour s’en rendre compte, il ne faut pas, comme on le fait parfois, mettre en parallèle dans une affaire quelconque les salaires avec les dividendes : suivant que l’objet de l’entreprise exige plus ou moins de main-d’œuvre, il semblera que le capital reçoit beaucoup ou très peu, par rapport au travail, et ce ne sera peut-être pas plus vrai dans un cas que dans l’autre. Il faut savoir aussi quelle est l’importance