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les sciences politiques ne seront plus des émigrés ou des conspirateurs, préparant en leurs congrès publics, ou dans leurs conciliabules secrets, la révolution prochaine. Ce seront de jeunes ou de futurs fonctionnaires en apprentissage chez nous, pour apprendre à s’y former aux lois et aux mœurs des pays libres[1].

Par malheur, pour venir étudier en France ou en Europe, il ne suffira pas aux jeunes Ottomans d’en avoir le désir ou d’en sentir le besoin. Autrement, les bancs de nos Facultés et de nos grandes Ecoles risqueraient fort d’en être encombrés. Etudier en France ou en Occident sera toujours, pour les familles d’Orient, aux ressources d’ordinaire restreintes, un luxe que le coût du voyage et la cherté de la vie ne rendent accessible qu’à de rares privilégiés. Les autres, le plus grand nombre, auront beau éprouver, eux aussi, le besoin de s’initier à nos sciences, ou de goûter à notre culture française, ils devront le faire dans leur propre patrie, sur le sol ottoman. C’est là, sur place, dans les collèges et les écoles du pays que la grande majorité des Turcs, des Syriens, des Grecs, des Arméniens de Turquie devront prendre les leçons de l’Europe, pour se former aux principes de l’Etat moderne et aux maximes du régime constitutionnel.


IV

Nous sommes ainsi amenés au seuil de l’école, à la question de l’enseignement, une des plus graves et malaisées de toutes celles qui se dressent à la fois devant la Turquie nouvelle. De toutes parts déjà, du fond des provinces asiatiques, comme de Constantinople et des grandes villes maritimes de Macédoine, d’Anatolie, de Syrie, les libéraux de tout âge et de toute condition réclament l’ouverture d’écoles, de collèges, de facultés, d’établissemens d’instructions de tout ordre. Et ces Jeunes-Turcs ont une juste vue des choses ; la Turquie ne se régénérera, elle ne se modernisera, le régime nouveau n’acquerra force et durée que si les idées et les principes dont il s’inspire se répandent dans le pays par l’école, pénètrent dans le peuple par l’enseignement. Sans cela, la Jeune-Turquie manque de base ; le régime constitutionnel, privé de tout support effectif, est

  1. C’est ainsi qu’il nous est arrivé récemment de Turquie une douzaine de jeunes fonctionnaires envoyés par leur gouvernement pour étudier, sous la direction de nos inspecteurs des finances, nos méthodes financières.