Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/870

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poursuivent aucun but hostile à la Turquie. Elles sauraient d’autant moins lui porter ombrage que, de toutes les puissances étrangères, la France reste celle dont la politique orientale demeure la plus désintéressée.

Nous avons, en Turquie d’Europe et d’Asie, des écoles d’ordre divers, les unes laïques, les autres congréganistes. Ces dernières sont les plus anciennes et, de beaucoup, les plus nombreuses ; ce sont elles qui comptent le plus d’élèves, elles qui, depuis un siècle, un demi-siècle surtout, ont le plus fait pour la propagation de notre langue en Turquie et dans tout l’Orient musulman[1]. Ces écoles congréganistes, élémentaires ou supérieures, ont ce caractère singulier d’être des écoles catholiques dirigées par des religieux ou des religieuses, sans être, à proprement parler, des écoles confessionnelles. Dans la plupart des villes de Turquie, la grande majorité de leurs élèves ne sont ni des catholiques de rite latin, ni même des catholiques des divers rites orientaux, mais bien des Grecs, des Arméniens, des Slaves séparés de Rome, voire des Juifs et des Musulmans. Les pères, les frères, les sœurs qui les dirigent ont, depuis longtemps, la sagesse de s’abstenir de tout prosélytisme ; ils devront, plus que jamais, s’en garder scrupuleusement ; car, alors même que le parlement turc viendrait à proclamer l’entière liberté de conscience, ce sera toujours, pour eux, comme ils le sentent bien, le seul moyen de ne pas éveiller le mécontentement du pouvoir et les défiances des familles. Quelques-unes de ces écoles ont, il est vrai, été accusées de prosélytisme, par le clergé grec ; mais ces accusations ont beau avoir été proférées par le patriarcat œcuménique, elles n’en paraissent pas moins l’œuvre de concurrens jaloux du succès de ces écoles françaises. La vérité est que le clergé grec et les « sylloges » grecs n’aiment pas que les enfans grecs fréquentent des écoles étrangères. Ils ont leurs écoles, ils ont leurs collèges, foyer et citadelle de l’hellénisme ; leur patriotisme s’efforce d’y retenir toute la jeunesse de sang ou de culte grec. A la prospérité de ces écoles, les Grecs ont un intérêt national, un intérêt moral et matériel, qui les rend parfois injustes pour les établissemens rivaux. Avant d’accueillir les plaintes locales contre nos écoles d’Orient, il faut se demander d’où elles

  1. On nous permettra de renvoyer le lecteur à notre article de la Revue du 1er mars 1903, intitulé : les Congrégations religieuses, le Protectorat catholique et l’Influence française au dehors.