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avec une trop exacte et lente minutie, tous les détails, toutes les circonstances de la mort du Sauveur. Son émotion ne s’extériorise guère ; au lieu de se traduire en cris de pénitence ou de tendresse, elle se transpose en analyses subtiles et d’une littéralité trop ingénieuse ; c’est la différence d’un médiocre sermon de Bourdaloue aux plus beaux sermons de Bossuet. On croirait que Jacqueline n’a pas revécu pour elle-même le drame douloureux du Calvaire :


Jésus meurt tout nu.

Cela m’apprend à me dépouiller de toutes choses.

— Encore que Jésus ait bien voulu souffrir ce dépouillement, il ne s’est pas néanmoins dépouillé soi-même.

Cela m’apprend non seulement à me dépouiller de toutes choses, mais à souffrir que Dieu m’en dépouille par quelque voie que ce soit.


Le talent d’expression de Jacqueline n’est pas ici à la hauteur de son âme.

Au mois de septembre 1651, Etienne Pascal tomba malade de la maladie dont il mourut. Jacqueline le soigna jour et nuit avec un dévouement infatigable. « Lorsqu’elle voyait qu’elle n’était pas si nécessaire auprès de lui, elle se retirait dans son cabinet où elle était prosternée en larmes, priant sans cesse pour lui. » Il mourut le 24 septembre ; sa fin fut « si chrétienne, si heureuse, si sainte et si souhaitable, » — ce sont les propres expressions de son fils, — que le curé de Saint-Jean en Grève, sa paroisse, « fit son éloge en chaire, ce qu’il n’avait jamais fait d’aucun de ses paroissiens. » Tous ses enfans furent vivement affectés par cette mort, et Blaise peut-être plus que tous les autres : Mme Perier, qui était en couches à Clermont, quand l’événement eut lieu, avait son foyer à part, ses intérêts, ses affections, sa vie particulière ; Jacqueline, enfin affranchie de la contrainte qui pesait sur elle, allait pouvoir entrer au couvent ; il allait, lui, brusquement, se trouver seul, privé tout à la fois de la double compagnie d’un père et d’une sœur très tendrement aimés, sans compensations d’aucune sorte : car, quel que fût l’attrait qu’exerçât dès lors sur lui la vie mondaine, il n’était pas homme à être trop dupe des satisfactions qu’elle promet et des jouissances qu’elle procure ; quand d’ailleurs le deuil qui venait de le frapper ne l’eût pas condamné, pour quelque temps du moins, à une existence plus retirée, il était encore trop chrétien, trop pénétré des sévères doctrines de Saint-Cyran, — sa Lettre sur la