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et on peut l’en croire sur parole : « Aussi la douleur que j’en ressentis fut si violente, que je ne puis assez m’étonner de n’y avoir pas succombé. »

Car elle se voyait dans la nécessité « ou de différer sa profession de quatre ans,… ou de recevoir la confusion d’être reçue gratuitement et d’avoir le déplaisir de faire cette injustice à la maison. » Dernier vestige peut-être d’amour-propre mondain, et je suis tenté de dire « bourgeois, » dans cette âme si profondément chrétienne : la fille du président Pascal ne pouvait se résoudre à être reçue gratuitement, comme une simple fille du peuple. En vain la mère Agnès et M. Singlin, tous deux admirables de ferme bon sens, de fine bonté et de vrai désintéressement, intervinrent-ils pour la raisonner et la calmer : un moment apaisée et « endormie, » sa confusion reprenait le dessus, « cette confusion qui, dit-elle, était tout à fait insupportable à son orgueil. » Elle « supplia instamment qu’on la reçût en qualité de sœur conversé. » M. Singlin s’y opposa pour des raisons d’une bien subtile et juste délicatesse[1], et il fut convenu que, conformément aux conseils de la mère Angélique, Jacqueline écrirait à ses parens qu’elle « leur laissait le tout… non plus que s’il ne lui appartenait point. » La lettre écrite, sœur de Sainte-Euphémie se sentait encore toute triste. La mère Angélique qui, déjà, la veille, avait essayé de la réconforter, « ayant remarqué pendant la prière une tristesse extraordinaire sur son visage, sortit du chœur avant le commencement de la messe, » et la fit appeler « pour donner quelque soulagement à sa douleur. »


Mais parce que cet espace était trop bref pour sa charité, aussitôt après la messe, elle me fît signe de la suivre, et, me faisant mettre auprès d’elle, elle me tint une heure entière la tête appuyée sur son sein, en m’embrassant avec la tendresse d’une vraie mère. Hélas ! je puis dire avec vérité qu’elle n’oublia rien de tout ce qui était en son pouvoir pour enchanter mor déplaisir.


Il faut relire ici dans le texte même tout le récit de cette

  1. Dans toute cette affaire, l’attitude de M. Singlin est aussi admirable que celle de la mère Angélique, et justifie pleinement ce qu’a dit de lui Racine dans son Abrégé de l’histoire de Port-Royal (édition Gazier, p. 88-89), quand il loue « son bon sens, joint à une piété et à une charité extraordinaire. »