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plus éloigné du naïf enthousiasme « romantique » que M. France reproche à Michelet et aux autres « hagiographes » anciens de Jeanne d’Arc. Et certes ce n’est pas, non plus, le « préjugé confessionnel » qui peut avoir amené M. Lang à juger favorablement le caractère ou les actions de son héroïne : car on sait avec quelle parfaite impartialité « évolutionniste » le nouveau biographe anglais de la Pucelle, avant de se consacrer définitivement à l’étude de l’histoire, a recherché, dans les croyances et les coutumes rudimentaires des peuplades sauvages, des indices de la formation primitive du sentiment religieux. Mais s’il n’apporte aucun parti pris « confessionnel » à ses travaux d’historien, M. Andrew Lang s’efforce, également, à n’y pas apporter d’autre partis pris d’aucune sorte. Lorsque des documens nombreux et concordans lui attestent la réalité d’un fait, il ne se refuse pas, d’avance, à le tenir pour vrai uniquement parce qu’il en ignore l’explication scientifique. Sans être le moins du monde convaincu de l’existence du « miracle, » il est disposé à admettre, dans certains cas spéciaux, l’existence de manifestations « anormales, » ou plutôt régies par des lois qui échappent à notre science actuelle ; et, sur ce point encore, nous sommes tous, maintenant, beaucoup plus prêts à nous entendre avec lui que l’étaient les représentans de cette conception « réaliste, » dont les principes continuent à se refléter jusque dans la Jeanne d’Arc de M. France.

C’est dans ces conditions que M. Lang a entrepris d’écrire la Vie de la Pucelle ; et comme il y a plus de vingt ans qu’il a publié, dans des revues ou des recueils d’essais, les premiers résultats de ses investigations, je n’ai pas besoin d’ajouter que son livre n’a nullement pour objet de contredire l’ouvrage du plus récent biographe français de Jeanne d’Arc. Mais il n’a pu s’empêcher, d’autre part, ayant achevé son enquête historique, de vouloir la comparer avec celle que venait de terminer son illustre confrère. En fait, les nombreux appendices de son livre, et toute la série des notes qui occupent les dernières cinquante pages du volume, sont presque entièrement consacrés à l’examen minutieux du travail de M. France ; et cette analyse aboutit à des conclusions trop considérables, — du moins dans la pensée de l’auteur anglais, — pour que je puisse me dispenser de les signaler.

La conclusion principale de la critique de M. Lang, celle qui, au total, domine et embrasse toutes les autres, est celle-ci :