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Beaucoup de ces noms sont obscurs. Plus encore de ces œuvres ont disparu. Mais le retentissement de toutes celles qui sont restées fut extraordinaire. Le Faust de Spohr connut de longues années de faveur par toute l’Allemagne, et c’est le seul ouvrage, — ou le seul titre d’ouvrage, — qui sauve encore de l’oubli un remarquable musicien. La vogue des Faust de Berlioz et de Gounod reste incomparable, et passe de loin celle même de leurs autres partitions. C’est la Faust-Symphonie qui nous a contraints de reconnaître en Liszt quelque chose de plus qu’un étonnant virtuose. Et s’il n’est pas un des grands ouvrages de Schumann qu’on ne préfère aux Scènes de Faust, entre tous les lieder de Schubert Marguerite au rouet ne retient pas moins de préférences.

Le poème, trop souvent en dépit de lui-même, a certainement animé et soutenu l’inspiration de ces musiciens. Sous sa lumière ils ont presque tous écrit leur chef-d’œuvre. Mais que tant de chefs-d’œuvre, par un cas unique, se soient rencontrés sur le même sujet ; que tant de compositeurs, et parmi les plus grands, et pour ainsi dire tous les compositeurs, aient au moins subi l’attirance de ce sujet ; et que ces chefs-d’œuvre aient été précisément de ceux à qui s’attache une popularité unanime, est-ce que cela ne donne pas à penser qu’il existe entre Faust et la musique des affinités singulières ? Est-ce que l’étude de ces ouvrages au regard de l’œuvre mère, — ouvrages si importans d’ailleurs par leur valeur propre, et leur influence ; si caractéristiques des courans qui ont divisé la musique au siècle dernier, — n’aidera pas à déterminer quelques-unes des propriétés essentielles de la musique ? Sera-t-il vain de distinguer ce que des musiciens éminens ont compris et retenu à leur usage dans le vaste livre, et le fort et le faible de ce qu’ils en ont su rendre ? Et leurs gestes sonores, dont le captivant magicien a tiré les ficelles, ne révèleront-ils pas quelle conception ils se formaient de leur art, et de ses rapports avec la littérature, ou mieux avec la pensée même ?

Leurs succès s’expliquent par le prestige ancien du personnage de Faust, à quoi vint s’ajouter le prestige de Gœthe. Même hors de l’Allemagne, et si allemandes qu’elles soient, ses œuvres exercent une séduction dont on ne se défend point. Elles sont à la fois poétiques et réelles, hautaines et familières, romanesques et profondes. Des visages y