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Brunsvick, la comtesse Teléky, ont affirmé n’avoir jamais entendu parler, dans leur famille, des fiançailles de leur arrière-grand’tante avec Beethoven. Il m’est naturellement impossible de leur répondre en mon propre nom, puisque je n’ai fait qu’analyser l’ouvrage allemand dont j’avais inscrit le titre en tête de ma chronique. Mais voici un passage de ce livre qui expliquera l’obligation où je me suis trouvé de considérer comme définitivement résolu le problème du nom de l’ « immortelle bien-aimée : »


Enfin, — écrit Mme La Mara, — après l’éclaircissement du mystère par l’article paru dans la livraison de janvier 1908 de la Neue Rundschau, les plus proches parentes de Thérèse Brunsvick se sont décidées, elles aussi, à ouvrir leurs lèvres, longtemps fermées. De l’arrière-petite-nièce de Thérèse, Mme la chanoinesse Isabelle comtesse Deym, et de sa sœur, femme du docteur Melichar, à Prague, j’ai reçu l’affirmation, d’une importance et d’un poids infinis, que c’était bien, en effet, la comtesse Thérèse Brunsvick qui avait été l’ « immortelle bien-aimée » de Beethoven.

En m’adressant d’abord à la comtesse Marie Brunsvick, j’avais frappé à la mauvaise porte. Le frère de Thérèse, François, qui naguère avait vécu avec sa sœur dans une familiarité très intime, s’était ensuite de plus en plus éloigné d’elle, depuis son mariage, ainsi que cela ressort des Mémoires qu’on va lire. Que pouvaient savoir ses enfans de la tragédie muette qui, autrefois, s’était déroulée dans la jeunesse de leur tante, puisque, aussi bien, les enfans de la plus jeune sœur de Thérèse, la comtesse Teleky, l’avaient eux-mêmes toujours ignorée ? Mais cette tragédie n’a pas pu rester cachée à la sœur préférée et fidèle confidente de Thérèse, la comtesse Joséphine Deym, avec qui, et avec les enfans de laquelle l’amie de Beethoven n’a point cessé d’être liée de l’affection la plus étroite ; et c’est par cette sœur chérie et par ses enfans que le secret s’est transmis jusqu’à nos jours.


J’ajouterai que la sonate Appassionnata, dont je parlais l’autre jour, n’est pas la seule œuvre pour piano dédiée par Beethoven au violoncelliste François Brunsvick, frère de Thérèse. C’est encore à lui qu’est dédiée la grande Fantaisie en sol mineur, op. 77, dont l’allure saccadée et la merveilleuse ardeur pathétique rappellent singulièrement le ton et le contenu de la lettre à l’immortelle bien-aimée. N’y a-t-il pas, en tout cas, quelque chose d’étrange dans cette habitude, que semble avoir eue Beethoven durant les années de son intimité avec Thérèse, d’inscrire le nom du frère de celle-ci, — bon violoncelliste, mais nullement pianiste, — sur les plus libres, passionnées et personnelles de ses compositions pour le piano, véritables confidences des sentimens les plus profonds de son cœur ?


T. W.