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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les Chambres sont en vacances ; mais, avant de se séparer, le Sénat a nommé dans ses bureaux la Commission qui devra étudier le projet de loi relatif à l’impôt sur le revenu, et le sentiment vrai de la haute assemblée au sujet de cet impôt s’est manifesté tout de suite avec évidence. Sur 18 commissaires élus, 16 sont hostiles au projet, et les deux qui l’acceptent dans ses lignes générales se sont réservé d’y introduire de nombreux amendemens. Il semble donc, à première vue, que la loi de M. Caillaux soit bien malade ; toutefois, ses partisans ne désespèrent pas encore. Quand le Sénat vote dans ses bureaux, loin du gouvernement, il n’écoute que son bon sens et sa conscience ; mais en séance publique, d’autres voix lui donnent d’autres conseils, et trop souvent il s’y soumet. La Chambre, d’ailleurs, en fait autant. C’est ce que M. Camille Pelletan, qui connaît mieux les choses du Parlement que celles de la marine, nous a expliqué dans un article de journal. « Le Sénat, a-t-il dit, est en grande majorité violemment hostile au projet : je l’accorde ; et après ? La Chambre était dans le même sentiment. Nous n’aurions peut-être pas eu deux cents voix au scrutin secret. » Mais, au scrutin public, c’est autre chose. M. Pelletan a raison. Nous avons signalé plus d’une fois, nous aussi, la différence qu’il y a entre les résultats des deux modes de scrutin, parce que, dans le premier, on vote suivant son opinion et, dans le second, suivant son courage. L’aveu de M. Pelletan n’en est pas moins bon à retenir : la Chambre, si elle avait voté librement, en dehors de toute intimidation, n’aurait pas donné deux cents voix au projet. C’est ce qui explique qu’au moment du saut définitif, c’est-à-dire du scrutin sur l’ensemble, plusieurs orateurs sont venus dire à la tribune qu’ils votaient la loi parce qu’ils ne voulaient pas enterrer la réforme, mais