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au cours de l’orage que représente l’introduction, la voix de la prêtresse entre à l’improviste dans la symphonie et s’y mêle comme un instrument de plus. A peine est-il besoin de rappeler la scène des remords d’Oreste et, sur ces mots : Le calme rentre dans mon cœur, le démenti furieux que l’orchestre oppose au mensonge du parricide. Plus loin, au dernier acte du même ouvrage, on dirait que le développement d’un thème de Bach accompagne la prière d’Iphigénie à Diane. Armide aussi renferme tel passage où les deux élémens de la musique sont liés. A la fin du troisième acte, le brusque revirement de l’héroïne, sa chute soudaine de la haine à l’amour, est évoquée par l’orchestre non moins que par la voix. Tous les deux encore semblent se passer ou se prêter l’un à l’autre la phrase exquise de Renaud : Allez, éloignez-vous de moi. Enfin et surtout, je ne crois pas qu’il existe un morceau plus significatif à cet égard que la cantilène d’Orphée entrant au bienheureux séjour. L’intérêt symphonique ici ne le cède pas aux délices mêmes de l’instrumentation. Dans cet andante qui, par le mouvement, par l’ondulation du rythme, annonce vaguement la Scène au bord du ruisseau, de la symphonie Pastorale, autant que la voix, l’orchestre est mélodie, il est chant. Sans gouverner encore, il règne pourtant, et la beauté parfaite est ici l’objet, entre les pouvoirs ou les vertus sonores, d’un échange libre et d’un partage harmonieux.

L’opéra mélodique à son tour, — j’ai nommé celui de Mozart, — ne se confina pas étroitement dans la mélodie. Libre et souple, il s’échappe quelquefois au dehors. Grand symphoniste et grand dramaturge musical, l’auteur de Don Giovanni et de Jupiter savait soumettre l’un des élémens de son génie à l’autre, mais il ne l’y pouvait sacrifier. Nous ne citerons pas, — ils sont trop, — les « effets, » dramatiques ou pittoresques de l’orchestre de Mozart. Déjà, parlant de l’Enlèvement au Sérail dans une lettre que nous avons rappelée naguère, le maître a lui-même analysé la valeur expressive et tout instrumentale de certain morceau. L’orchestre de Mozart est par momens, avant la scène ou plus que la scène, le véritable théâtre où se joue le drame ou la comédie de Mozart. Les premiers accords de Don Giovanni en signifient d’avance le dénouement terrible. C’est à l’orchestre que se poursuit et s’achève le suprême débat entre le convive de pierre et son hôte. Autant que la fameuse sérénade,