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trouver des signes, ou des symptômes, plus précis encore et plus prochains. Wagner tout le premier, il y a près de cinquante ans, les a déjà reconnus. Comparant la situation et la dignité respective de la symphonie et de l’opéra du temps de Beethoven, il écrivait dans sa fameuse Lettre sur la musique : « Pour bien saisir ce que je veux dire, comparez la richesse infinie, prodigieuse, du développement dans une symphonie de Beethoven, avec les morceaux de musique de son Fidelio. Vous comprenez sur-le-champ combien le maître se sentait ici à l’étroit, combien il étouffait, combien il lui était impossible d’arriver jamais à déployer sa puissance originelle. Aussi, comme s’il voulait s’abandonner une fois au moins à la plénitude de son inspiration, avec quelle fureur désespérée il se jette sur l’ouverture et y ébauche un morceau d’une ampleur et d’une importance jusqu’alors inconnue ! » Ce n’est pas une, c’est trois ouvertures qu’il fallut à Beethoven pour épancher la « plénitude » d’une « inspiration » qui dépasse en effet, ou déborde le cadre de l’opéra d’alors, el la plus considérable, la plus admirable des trois, celle à laquelle Wagner fait allusion, est bien, sous la forme symphonique, l’« ébauche » ou le raccourci du drame qu’elle annonce et que d’avance elle égale.

Fidelio sans doute, au moins dans l’ensemble, n’est pas un opéra symphonique ; mais rien n’est plus facile que d’y signaler, en mainte scène, des traits ou des touches de symphonie. L’air si difficile, pour ne pas dire impossible, de Pizarre, à la fin du premier acte, l’est surtout à cause du rôle prédominant de l’orchestre et des assauts terribles que celui-ci constamment y livre à la voix. Dans le grand air de Léonore, les récifs « obligés, » les ritournelles, ont une rare valeur instrumentale, et qui se rappelle cette page se souvient de sonorités (celle des cors par exemple) autant, peut-être plus, que de mélodies et de mouvemens. Dès le début de l’épisode, des prisonniers revoyant pour un instant la lumière, avant l’entrée des voix, les accords de l’orchestre semblent répandre le jour, et sous le chœur ensuite, à travers le chœur, un thème d’orchestre encore, pur et libre comme l’air, s’insinue et circule.

Plus on relit Fidelio, plus on y trouve de présages. L’introduction du second acte (la prison) n’a rien de commun avec la ritournelle d’un air à l’ancienne mode. Elle forme un vrai tableau symphonique, et lorsque le rideau se lève, c’est bien