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est le merveilleux instrument au moyen duquel cette forme est réalisable. »

L’orchestre, toujours l’orchestre. Si nous y ajoutons la symphonie, c’est-à-dire le développement, et puis, comme objet ou matière de ce développement, les leitmotive, ceux-ci n’étant d’ailleurs que l’équivalent ou l’expression musicale des motifs psychologiques, motifs d’action ou de passion, mentionnés ci-dessus, il semble bien que l’on trouve là, définis et rassemblés par Wagner lui-même, les principaux élémens dont se compose l’opéra wagnérien.

La symphonie, on le voit, en est l’ouvrière par excellence, ou plutôt la maîtresse et la reine. Rien n’y est en dehors de ses prises ; elle y pourvoit, elle y suffit à tout.

Wagner nous rappelait tout à l’heure « avec quelle fureur désespérée » Beethoven, à l’étroit dans les formes de l’opéra de son temps, « se jette sur l’ouverture. » Tout affranchi qu’il soit de ces formes, que sa propre main a brisées, Wagner lui-même a pourtant besoin encore, comme Beethoven, de ce débouché ou de cet échappement. Les ouvertures de Wagner peuvent se rapporter à deux types : les unes se développent davantage en étendue ; les autres, plutôt en profondeur. Les premières sont plus variées, elles racontent le drame à l’avance ; les dernières, plus serrées et plus unes, plus strictement symphoniques, se bornent à le résumer. L’ouverture du Vaisseau Fantôme, celle de Tannhäuser ou celle des Maîtres Chanteurs, énumère plusieurs thèmes, les oppose ou les combine ; un seul motif est toute la matière, organique et vivante, la cellule génératrice et singulièrement féconde du prélude de Lohengrin comme de celui de Tristan.

Le drame une fois commencé, la symphonie jalouse y fera siennes toutes choses : le dehors et le dedans, le spectacle autant que l’action ; non seulement le caractère ou l’âme des personnages, mais leurs attitudes, leurs gestes, leur silence même, et jusqu’à leur souvenir, quand ils ne seront plus.

Wagner est un grand paysagiste. Musicien de la terre et des eaux, de l’air et de la flamme, le symphoniste de Siegfried, du Rheingold et de la Walkyrie a fait une part en son œuvre à tous les élémens de l’univers. « Un paysage est un état d’âme. » Mais un paysage peut aussi n’être qu’un état des choses. On trouve des exemplaires de l’un et de l’autre genre dans l’opéra