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On la voyait, bannière au poing, les yeux en larmes,
Dans la mêlée en feu, sur son haut cheval blanc,
Garder toujours l’épée au flanc…
Lorsque la Pitié prend les armes,
Son glaive sans fureur châtie en consolant.



Cathédrale de Reims, ouvre tous tes portiques !
… Hauts mitres, et vêtus des larges dalmatiques
Pesantes de joyaux encastrés dans l’or fin,
Les évêques, debout sous les porches gothiques,
Au seuil du temple en fête attendent le Dauphin.

Et, du sommet des tours, voyant, par la campagne,
Venir Charles, — qu’un train magnifique accompagne,
Tressaillantes d’amour, les cloches ont chanté !
Car il est l’héritier de notre Charlemagne,
Et Jeanne, dans ce jour, lui rend la royauté.

« Noël ! » — Jeanne, en avant de l’escorte royale,
Tient en main, d’un grand air de gloire et de bonheur,
L’étendard dont la flamme, en plein ciel triomphale,
Salue avec orgueil la haute cathédrale :
« Il était à la peine, il doit être à l’honneur. »

« Noël ! » — Et l’on dirait que la voûte s’écroule,
Tant est puissant l’écho du Veni Creator,
Quand le prieur élève, au-dessus de la foule,
Lourd de gemmes le cadre où luit la Sainte-Ampoule
Sous un bec de colombe, entre deux ailes d’or.

Au pied du maitre-autel le Dauphin s’agenouille ;
Douze puissans seigneurs représentent les pairs :
On se montre Vendôme, Alençon, La Trémouille ;
Charles courbe son front, que l’huile sainte mouille ;
Devant lui la couronne a lancé des éclairs.