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comme si les télégrammes de la nuit n’avaient pas été envoyés et comme si la question était demeurée entière ; nous nous trouvions en présence d’un fait accompli qui s’imposait à nous, dont nous étions obligés de tenir compte, et contre lequel il n’y avait de protestation possible qu’une démission. Personne ne parla de la donner, et aucune récrimination, de la part de qui que ce fût, ne se fit entendre, soit par respect pour l’Empereur, soit à cause de son inutilité.

On ne s’occupa que de la question urgente à résoudre : celle de savoir les conséquences que nous laisserions produire à cette demande de garanties que nous ne pouvions plus reprendre. Nous ne possédions encore que le télégramme d’Olozaga contenant la renonciation du prince Antoine et nous fûmes unanimes à convenir que nous ne la considérerions pas comme suffisante tant qu’elle ne serait pas ratifiée par le prince Léopold, approuvée par le roi de Prusse et acceptée par l’Espagne. Si, comme c’était probable, le prince Léopold ne désavouait pas son père, si le Roi l’approuvait comme il s’y était engagé, si l’Espagne se résignait à l’abandon de son candidat, nous déclarerions-nous satisfaits lors même que le Roi refuserait de nous donner la garantie de l’avenir ? Au contraire, insisterions-nous ? Donnerions-nous à cette insistance le caractère d’un ultimatum, et rappellerions-nous nos réserves afin de soutenir nos exigences ? C’est uniquement sous cette forme que se posa la question de paix ou de guerre.

Le Conseil se divisa. Mège et Maurice Richard appuyèrent vivement les conclusions du maréchal : la renonciation du père Antoine n’était pas sérieuse ; le pays exaspéré nous bafouerait si nous nous en contentions ; l’offense était venue du roi de Prusse, c’est de lui que devait venir la réparation ; une garantie pour l’avenir était le moins que nous pussions réclamer ; il n’en fallait pas démordre, et, pour être prêts à l’exiger si on nous la refusait, il était urgent d’accueillir la demande du maréchal et de décréter le rappel des réserves. L’Empereur appuya cet avis ; il reproduisit les divers argumens de sa lettre, et s’échappa à dire amèrement : « Nous avons bien d’autres griefs contre la Prusse que cette affaire Hohenzollern. » A ce moment, la discussion fut interrompue par la remise d’une lettre de Lyons, dont l’Empereur nous donna lecture. Elle contenait un télégramme de Granville, représentant l’immense responsabilité que le