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Persuadé comme il l’était qu’il n’obtiendrait aucune concession, Benedetti aurait dû comprendre, qu’on ne dérange pas un Roi pour l’entendre répéter ce qu’il a dit en termes péremptoires, et que toute insistance serait un manque de tact et lui vaudrait des rebuffades désagréables. Sans doute Gramont lui avait envoyé l’instruction d’insister, mais le ministre ne pouvait se rendre un compte exact de l’état d’esprit du Roi, et il n’eût certainement pas réitéré cet ordre s’il eût été sur les lieux. Les conséquences de l’importunité si peu sagace de notre ambassadeur furent immédiates. Le Roi fatigué de ses obsessions, après des refus auxquels il avait donné la forme la plus absolue, fit appel à Bismarck. Il ordonna de lui raconter où l’on en était et de mettre l’affaire entre ses mains. Ce fut fait par un télégramme de deux cents mots d’Abeken, qui fut expédié en chiffres à 3 h. 40 à Berlin : « Ems, 13 juillet, 3 h. 40. — Sa Majesté m’écrit : « Le comte Benedetti m’a arrêté à la promenade pour me demander finalement, d’une manière très pressante, de l’autoriser à télégraphier aussitôt que je m’engageais à ne plus donner mon consentement dans l’avenir si les Hohenzollern posaient de nouveau leur candidature. J’ai refusé d’une façon assez sérieuse à la fin, parce qu’on ne doit pas et qu’on ne peut pas prendre de tels engagemens à tout jamais. Je lui dis, naturellement, que je n’avais encore rien reçu, et, puisqu’il était informé avant moi de Paris et de Madrid, il voyait bien par-là que mon gouvernement était de nouveau hors de cause. » Sa Majesté a reçu depuis lors une lettre du prince Charles-Antoine. Comme Sa Majesté avait dit au comte Benedetti qu’elle attendait des nouvelles du Prince, le Roi a décidé, sur la proposition du comte Eulenbourg et sur la mienne, de ne plus recevoir le comte Benedetti en raison de la prétention exprimée plus haut, et de lui faire dire par son adjudant que Sa Majesté avait reçu maintenant du Prince la confirmation de la nouvelle que le comte avait reçue déjà de Paris, et que Sa Majesté n’avait rien de plus à dire à l’ambassadeur. Sa Majesté s’en remet à Votre Excellence du soin de décider si la nouvelle prétention du comte Benedetti et le refus qui lui a été opposé, doivent être communiqués de suite à nos ministres, à l’étranger et à la presse. »

Le Roi dîna tranquillement et ensuite en finit avec Benedetti en lui envoyant une troisième fois Radziwill (5 h. 30). L’aide de camp lui répéta, toujours très poliment, que le Roi « ne