Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils multiplient les collèges et Les écoles. Les Juifs se pressent dans les écoles fondées par l’Alliance israélite. Ils ne dédaignent même pas les établissemens catholiques et protestans. Les Syriens et les Coptes, — les Syriens principalement, — sont parmi les meilleurs sujets de nos Jésuites, de nos Lazaristes, de nos Frères de la Doctrine chrétienne, des missionnaires allemands, anglais et américains. Ils font honneur à leurs maîtres. Leur mémoire exercée les sert merveilleusement. Ils apprennent sans peine les langues étrangères, la glossolalie étant d’ailleurs séculaire en Orient (c’est une nécessité dans ces pays de passage, où les races les plus diverses ont toujours vécu côte à côte). Cette aptitude naturelle pour les langues, les Levantins la développent et la perfectionnent, grâce à nos méthodes scolaires. Ils se précipitent, avec un grand appétit, sur les programmes d’examens. Une dévorante ambition les aiguillonne : il s’agit pour eux de primer dans les concours, de fournir le plus fort contingent aux professions libérales ou aux administrations de l’État. Mais ces préoccupations utilitaires n’excluent pas, chez eux, une certaine considération désintéressée du savoir. Ils sentent et ils apprécient très bien la dignité de la culture intellectuelle. Et puis, chez beaucoup d’entre eux, — les Grecs et les Juifs, par exemple, — le travail de l’esprit est comme une tradition ancestrale dont ils sont fiers. Ces fils de marchands, de scribes, de commentateurs de la Loi sont, par excellence, les hommes de l’Écriture et du Livre.

La sécheresse, le tour pratique de l’intelligence s’allient fréquemment chez les Levantins avec une bonhomie superficielle, dont les Occidentaux sont aisément dupes. Je me hâte d’ajouter pourtant que, parmi ces Juifs et ces Chrétiens, comme partout ailleurs, les braves gens ne sont pas excessivement rares. Il y a un type de « bon Juif » et un type de « bon Syrien. » Enfin, ce sont, en général, des hôtes exemplaires, qui se piquent, autant que le Musulman, de remplir tous les devoirs envers l’étranger. Mais ces vertus altruistes, ils les exercent surtout entre eux. L’instinct de solidarité est prodigieux chez ces « rayas, » comme chez tous les peuples persécutés. Ils se soutiennent, s’entr’aident, se sacrifient à l’intérêt commun, avec une spontanéité, une générosité que nous ne connaissons pas, ou que nous ne connaissons plus. J’aurais à citer sur ce chapitre, une foule d’anecdotes, toutes plus belles ou plus touchantes les unes que les