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pédagogue révolutionnaire. C’est ainsi que l’élément israélite a coopéré à la révolution turque. L’un d’eux, qui, en ce temps-là, était instituteur à Bagdad, me disait qu’il avait groupé autour de lui un petit conciliabule de Jeunes-Turcs, envoyés, là-bas, en exil par le gouvernement de Stamboul. Il leur passait les journaux d’Europe qu’il recevait par la poste anglaise, leur prêtait des livres, dirigeait leur conscience politique. C’était enfin, sur les bords du Tigre, une manière de personnage.

Mais ils visent à quelque chose de plus effectif que cette influence purement intellectuelle. Dans une grande ville syrienne, on me parlait d’un Israélite qui s’était posé, parmi les Musulmans, en véritable puissance. Il ne se bornait pas à les attirer par de platoniques palabres sur la politique, il les tenait par l’argent. En sa qualité de directeur d’un orphelinat, il avait à sa disposition une caisse de secours et une caisse d’épargne. Les fonctionnaires turcs de l’endroit, gens toujours gênés et payés de quinze en quatorze, recouraient à lui, mystérieusement, pour des emprunts. Ceux qui étaient affiliés en secret à des comités révolutionnaires recevaient ainsi de lui à la fois la pâture de l’esprit et l’assistance matérielle. Cet homme triomphait. Il fallait voir les saluts qu’on lui prodiguait dans la rue, depuis le simple agent de police jusqu’au secrétaire du wali, et les clins d’yeux complices et les bonjours protecteurs qu’il échangeait avec ses disciples et ses obligés. Sa protection s’étendait plus loin. Un de nos compatriotes voulant visiter une mosquée strictement interdite aux Européens s’adressa inutilement au consul de France. Il allait y renoncer, lorsque notre Juif tout-puissant lui proposa son appui. Celui-ci leva tous les scrupules, introduisit le visiteur dans ce farouche sanctuaire, lui obtint même des gardiens l’accueil le plus courtois et le plus empressé. Il plaisantait avec eux, leur tapait sur l’épaule, déridait les plus vieux et les plus grincheux par des plaisanteries grasses : il était clair que ces bons imams avaient des raisons personnelles et pressantes de lui permettre ces privautés.

Lui témoignait-on, en retour de ses services, une reconnaissance sincère ou quelque sentiment qui ressemblât à de la sympathie ? Cela me paraît douteux. La prévention musulmane contre l’Israélite est toujours très forte, même chez ceux qui se servent de lui. Il faut avouer d’ailleurs que, malgré ses solides