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qualités, le Jeune-Juif n’est point aimable. Très infatué de soi, de sa race, de son instruction européenne, il est d’une outrecuidance et, souvent, d’une insolence, qui découragent les meilleures volontés. Plus que les autres Orientaux, il tranche sur toutes les questions, exhibe ou simule des connaissances encyclopédiques, dit son fait à nos gouvernans, au Tsar, à l’empereur d’Allemagne, au Pape lui-même. Il n’épargne personne, se mêle de tout. Comme les petits Juifs, qui, chez les Jésuites, essaient de coller le professeur de religion, celui-ci n’hésitera pas à discuter avec un archéologue ou un exégète de passage, spécialistes distingués ou célèbres, et il leur donne à entendre qu’ils ne comprennent rien à la question. Le pire, c’est sa manie de s’insinuer et d’imposer sa présence là où le tact le plus élémentaire devrait le dissuader de se montrer. Il se montre néanmoins, il envahit et s’étale, il répond d’un sourire victorieux aux mines les plus grises, aux réceptions les plus fraîches, et il reste quand même, — indélogeable par la force irréductible de son impudence.

Malgré ces vilains côtés, les Jeunes-Juifs méritent cependant que nous en fassions cas. Ils sont parmi les meilleurs éducateurs et les meilleurs propagateurs de la langue française, qui soient en Orient. Avec notre langue, propagent-ils aussi l’amour de la France ? Je voudrais en être plus sûr. Il est manifeste pourtant qu’ils répandent un certain nombre d’idées françaises, les idées révolutionnaires et anti-cléricales, bien entendu. Et encore doivent-ils distribuer cet enseignement à leurs coreligionnaires avec la plus extrême circonspection. Si affranchis qu’ils se prétendent de toute idée religieuse, ils sont obligés, non pas seulement d’observer une neutralité de bon ton, mais de se comporter comme des croyans. Leurs utopies humanitaires se réduisent, en dernière analyse, à leur vieille utopie nationale de domination universelle. Le point de vue de la raison, à leurs yeux, c’est le point de vue juif. Mais oublions cet égoïsme de race, ne considérons dans le Jeune-Israélite que les services qu’il rend à la France : quelles que soient donc ses arrière-pensées, il est certain que, dans les pays du Levant, il contribue pour sa part à l’illustration de la langue française et, par conséquent, dans une certaine mesure, au maintien de notre influence.