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titre : Échos du temps passé. Sous de hauts arbres de Fragonard, passent des amoureuses de Watteau. Un guitariste ou un mandoliniste, assis, jambes pendantes, sur un piédestal de marbre, pourrait être une statue et n’est qu’un Pierrot pleurant à la lune ; devant lui l’eau des vasques pleure aussi, l’ombre enveloppe Arlequin avec Colombine, et, dans une éclaircie de lueur lunaire, surgit, comme celui d’un gendarme, le bicorne de Polichinelle.

Et voici, en antithèse, la nuit ouvrière, l’heure où l’on rentre du travail, peinte par M. Luigi Loir (rotonde 24) ; l’éclosion, dans le crépuscule verdâtre, des lueurs livides des réverbères, et dans l’ombre des maisons, les clignotemens rougeâtres des cabarets. Les voici encore, mais plus variées, chez M. Marcel Lebrun, dans la Porte de Saint-Cloud, effet de neige au crépuscule (salle 1), étude fort exacte des différens tons de l’éclairage moderne à la fin d’une belle journée d’hiver. On trouvera encore (salle 11), dans le Soir de fête de M. Tessier, un curieux effet de reflets orangés produits la nuit, dans une barque, par une grosse lanterne vénitienne, sur une figure de femme renversée, et, au loin, les émeraudes et les rubis que jettent, dans l’eau violette de la Seine, les illuminations de quelque guinguette.

Une recherche semblable distingue encore le Soir d’Été de M. Hirschfeld (salle 25) : de jeunes femmes, en robes blanches verdissant sous la lune et, çà et là, orangées par le feu d’une lanterne, s’embarquent dans une chaloupe pour aller s’amuser à bord de quelque yacht. Ce que devient le blanc des robes et des yachts, le bleu des costumes des marins, au clair de lune, a été, là aussi, l’objet d’une étude attentive. On verra enfin (salle 18) que M. Cachoud a consciencieusement observé ce que devient le vert des gazons et les arbres au clair de lune en même temps que la lumière rougeâtre d’une lanterne léchant les murs.

Assurément, ce ne sont point, là, les seules œuvres dignes d’attention dans les deux Salons, et ceci n’est pas un palmarès. Il n’est peut-être pas une seule salle, avenue d’Antin, qui ne contienne une excellente toile, mais il en est fort peu qui soient nouvelles. Quelques-unes, seulement, nous arrêteront un instant.

D’abord et avant tout (salle I), les grands panneaux de M. René Ménard, l’Age d’or, le Rêve antique et la Vie pastorale, décorations destinées à la Faculté de Droit de Paris. Ce sont des paysages accidentés et sombres de forêts et de mer meublés de figures antiques. Depuis Puvis de Chavannes, nulle œuvre