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il leur sera possible de lutter avec succès contre les avantages du bas prix de la main-d’œuvre et surtout de la proximité du marché convoité dont jouissent ces concurrens nouveaux. Déjà, les lignes de navigation américaine dans le Pacifique sont durement atteintes et elles envisagent la nécessité de réduire leurs services. « Le rêve d’un vaste commerce oriental fait par des vaisseaux américains, — disait récemment la Post de Washington, — ayant pour résultat la domination du Pacifique par les Etats-Unis est une conception grandiose, mais elle ne pourra se réaliser tant que les Japonais déploieront pour capturer le commerce une ambition et une capacité qui, jusqu’ici, avaient paru n’appartenir qu’aux Américains. » En Chine même, on éprouvait de sérieuses déceptions : le gouvernement impérial demandait la rétrocession de la concession de la ligne ferrée de Canton à Hankow : en 1905, il fallut céder à sa volonté. La même année, les Chinois soumettaient à un boycottage fort bien observé les marchandises américaines. Ils protestaient ainsi contre l’ostracisme dont fait preuve la population des Etats-Unis envers les immigrans jaunes, et ils montraient qu’ils possédaient des moyens de représailles efficaces, quoique pacifiques. Aux Philippines, enfin, les rêves faits au lendemain de l’occupation se transformaient en déceptions amères. Après avoir enlevé ces îles à l’Espagne, il fallait les conquérir sur les indigènes, et l’archipel, ruiné par la mauvaise administration espagnole et plusieurs années de luttes intérieures, n’offrait pas le riche marché ambitionné par les industriels. Les capitaux américains refusaient de s’y aventurer. Manille ne paraissait plus capable de devenir le grand port international rêvé : elle n’avait pas porté atteinte à Hong-Kong ; on doutait qu’elle pût être jamais autre chose qu’un centre de commerce local.

La prospérité du marché national faisait supporter sans trop de plaintes ces nombreuses déceptions, mais l’on se détournait de l’Orient : le charme fascinant qu’il avait exercé jusqu’alors était rompu. On se demandait s’il serait bien prudent d’exercer tous ses efforts dans la même direction, et s’il ne serait pas plus profitable, sans abandonner complètement la lutte de ce côté, de chercher dans d’autres pays les débouchés dont l’industrie, qui va se développant avec une rapidité extraordinaire, sentirait bientôt, sans doute, le besoin pressant.

Tout naturellement, les regards se portèrent sur les marchés