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l’ancienne mère patrie, déchue de sa splendeur d’autrefois, s’agitant dans des luttes stériles, n’a plus la force et la puissance nécessaires pour jouer ce rôle. Le Congrès pan-ibérien, réuni à Madrid en 1904, n’a été qu’une manifestation d’éloquence. Aucune résolution pratique n’y a été prise, et il n’a pas eu de lendemain.

Les hommes d’Etat américains peuvent donc persévérer avec confiance dans leur politique. Malgré les obstacles que dressent devant eux les différences d’origine, de race, de civilisation, qui rendent si difficile une compréhension profonde entre Anglo-Saxons et Latins, le but qu’ils poursuivent n’est pas impossible à atteindre. Washington pourra devenir, non pas ce que rêvait Seward, il y a près d’un demi-siècle, la capitale d’une Fédération démesurément agrandie, dont le domaine s’étendrait de l’Alaska au cap Horn, mais le centre directeur d’une opinion publique vraiment américaine, et faire sentir son influence morale sur le Nouveau-Monde tout entier. Déjà, l’habitude se prend dans l’Amérique latine des conventions réunissant des délégués des pays indépendans des trois Amériques, où l’on discute des questions d’intérêt commun. Au commencement de 1908, un Congrès international des étudians américains où se sont rencontrés des représentans des universités des États-Unis et des universités des pays de langue espagnole et portugaise, s’est tenu à Montevideo. Quelques mois plus tard, à la fin de cette même année, un congrès scientifique pan-américain tenait ses assises au Chili, à Santiago. Dans ces réunions, les hommes de nationalités différentes qui s’y rencontrent apprennent à se mieux connaître, en même temps que le public, qui entend l’écho de leurs débats, s’habitue à concevoir, à côté des rivalités inévitables, l’existence d’intérêts supérieurs pour la réalisation desquels les diverses nations peuvent unir leurs efforts sans arrière-pensée égoïste. Le voyage de circumnavigation autour du monde, que vient de terminer la flotte américaine, a été le prétexte à de nouvelles manifestations de sympathie dans les ports sud-américains où elle a relâché. Les populations des Républiques ont pu juger de la force que mettraient à leur disposition, le cas échéant, les Etats-Unis, si elles persévèrent dans une politique d’entente cordiale. Elles ont pu apprécier aussi les dangers d’une politique hostile vis-à-vis d’eux.

M. Roosevelt a eu le grand mérite de se rendre compte de