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communiqua en outre la nouvelle que, le matin, nous avait donnée Le Bœuf, à savoir que des ennemis avaient passé la frontière en armes près de Sierck : dans la journée, une seconde dépêche vint la contredire. Gramont en informa aussitôt Rouher, qui présenta alors dans son rapport, comme un bruit non officiel et incertain, ce qu’il avait d’abord affirmé comme une nouvelle positive. Ce rapport achève de confondre l’accusation portée contre Gramont d’avoir supprimé devant la Commission du Corps législatif les dépêches antérieures au 12. Il constate que la Commission a reçu la communication de toutes les dépêches importantes depuis le 6 juillet. On ne comprendrait pas que la supercherie, si elle avait été commencée au Corps législatif, n’eût pas été continuée au Sénat.

La séance levée, Rouher organisa une représentation à grand fracas. Sans concerter cette démarche avec le président du Corps législatif et sans en instruire les ministres, il se rendit à Saint-Cloud à la tête du Sénat et prononça le discours suivant : « Une combinaison monarchique nuisible au prestige et à la sécurité de la France avait été mystérieusement favorisée par le roi de Prusse. Sans doute, sur notre protestation, le prince Léopold a retiré son acceptation ; l’Espagne, cette nation qui connaît et nous rend les sentimens d’amitié que nous avons pour elle, a renoncé à une candidature qui nous blessait. Sans doute, le péril immédiat était écarté, mais notre légitime réclamation ne subsistait-elle pas tout entière ? N’était-il pas évident qu’une puissance étrangère, au profit de son influence et de sa domination, au préjudice de notre honneur et de nos intérêts, avait voulu troubler une fois de plus l’équilibre de l’Europe ? N’avions-nous pas le droit de demander à cette puissance des garanties contre le retour possible de pareilles tentatives ? Ces garanties sont refusées : la dignité de la France est méconnue. Votre Majesté tire l’épée ; la patrie est avec vous, frémissante d’indignation et de fierté. Les écarts d’une ambition surexcitée par un jour de grande fortune devaient tôt ou tard se produire. Se refusant à des impatiences hâtives, animé de cette calme persévérance qui est la vraie force, l’Empereur a su attendre ; mais depuis quatre années, il a porté à sa plus haute perfection l’armement de nos soldats, élevé à toute sa puissance l’organisation de nos forces militaires. Grâce à vos soins, la France est prête, Sire, et par son enthousiasme, elle prouve que, comme vous, elle était