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XII

Toute cette controverse entre les Allemands et nous sur la responsabilité de la guerre est dominée et résolue par deux considérations générales. D’où la guerre est-elle sortie ? De la candidature Hohenzollern, d’abord, puis de la divulgation faite par Bismarck du refus du Roi de recevoir notre ambassadeur. Pas de candidature Hohenzollern, pas de guerre. Même après la candidature Hohenzollern, pas de divulgation du refus du Roi, pas de guerre. Or, est-ce le gouvernement de l’Empereur qui a suscité la candidature Hohenzollern ? Est-ce le gouvernement de l’Empereur qui a divulgué le refus d’Ems ?

Fût-il vrai que nous ayons été de maladroits diplomates, qu’au début nous ayons été trop raides et, à la fin, trop exigeans, toujours est-il que nous n’avons pas soulevé la candidature Hohenzollern ; que si elle n’eût pas été organisée clandestinement par la Prusse, nos maladresses et nos exigences n’auraient pas eu prétexte ou occasion de se produire, et que la paix n’eût pas été troublée. Il n’est pas un être pensant, en Europe, qui ait la mauvaise foi de soutenir qu’en présence d’une candidature allemande en Espagne, nous dussions nous abstenir, nous résigner, ne rien dire. Or, toute parole entre la Prusse et nous était un danger, parce que toute parole qui n’eût pas été prononcée très haut eût été sans dignité. Admettons que nous ayons mal prononcé cette parole que, de l’aveu unanime, nous devions prononcer à moins d’abdiquer, il reste incontestable que c’est la Prusse qui nous a contraints de parler ; que, sans sa conspiration avec Prim, nous n’aurions pas rompu notre silence pacifique. Admettons encore que nous ayons eu tort de nous sentir atteints par la divulgation officielle et insultante du refus de recevoir notre ambassadeur, toujours est-il que, si Bismarck n’avait pas proclamé ce refus dans l’Europe entière, comme l’Empereur n’avait pas donné à la demande de garanties la forme d’un ultimatum, la susceptibilité française n’aurait pas eu l’occasion de se surexciter et de s’emporter aux résolutions extrêmes. Ainsi, le fait primordial, la candidature, le fait final, la notification du refus de recevoir notre ambassadeur, ces deux faits d’où le choc est né, ces deux faits sans lesquels il n’y eût pas eu de guerre, sont imputables à la Prusse, non à la France.