Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/570

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraître, on serait fondé à prétendre que la doctrine catholique était tenue en moins haute estime sous la Restauration que de nos jours. Sans doute, le décor, la façade, étaient catholiques. Pour les uns, la religion catholique était l’un des articles d’un programme politique ; pour les autres, elle demeurait une convenance sociale et une règle des usages, sinon des mœurs ; pour d’autres encore, elle servait de thème à des élucubrations littéraires ou poétiques ; mais Lamennais avait raison lorsque, sous cet aspect trompeur, son œil perçant découvrait un fond d’indifférence. Les esprits qui se considéraient comme supérieurs et qui n’étaient que superficiels croyaient que la doctrine catholique avait fait son temps et qu’elle serait prochainement remplacée par une vague philosophie spiritualiste, et quant aux autres, « aux âmes faibles, aux esprits légers, mais non pervertis entièrement, » Lamennais montrait un sens juste de leurs dispositions véritables lorsqu’il leur demandait « d’examiner sérieusement ce que jusque-là ils avaient méprisé sans le connaître. » « Puissent-ils, disaient les dernières lignes de l’Introduction, s’y déterminer pour la gloire de la vérité et pour leur propre bonheur. Quoi qu’on essaye de se persuader, ces deux choses sont inséparables. Il n’y a de bonheur qu’au sein de la vérité parce qu’il n’y a de repos que là. L’erreur enivre, l’indifférence assoupit, mais ni l’une ni l’autre ne comblent le vide du cœur. »

Le bonheur ! le repos ! Mme de Lacan n’avait trouvé ni l’un ni l’autre dans la vie qu’elle avait menée jusque-là. Rien n’avait comblé le vide de son cœur. Ce langage, nouveau pour elle, la remua profondément, car il répondait aux agitations de son âme. Tout l’été elle s’était absorbée dans la lecture de l’Essai sur l’Indifférence, sans pouvoir en détacher sa pensée. Elle écrivait à Benoist d’Azy :


Ce n’est point un genre de lecture auquel on puisse faire succéder une occupation vulgaire. Cet ouvrage occupe mes pensées ; il parle à mon cœur ; j’y pense mille fois le jour lorsque des sujets puérils bourdonnent autour de moi…. Ce qui me plaît dans l’auteur de ce livre c’est son austère énergie, cette puissance de conviction qu’il a et qu’il fait partager. Je trouve que la moindre hésitation et même le trop d’indulgence en pareille matière nuit au respect qu’elles inspirent et à la foi qu’elles cherchent à convaincre. J’ai souvent dit que la voix impérieuse de Bossuet eût été mille fois plus puissante sur moi que l’onctueuse éloquence de Fénelon…


Et dans une autre lettre :