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l’espérait Mme de Lacan. M. Cottu persista dans sa recherche ; sa famille ne persista pas dans l’opposition quelle faisait à son mariage et, l’année suivante, Mme de Lacan contractait avec lui une union où elle trouva pendant vingt-neuf ans le plus parfait bonheur conjugal. C’est sous le nom de la baronne Cottu qu’il est souvent question d’elle dans les diverses publications qui concernent Lamennais ; et c’est ainsi que nous l’appellerons désormais.


IV

Le baron Cottu était un magistrat de vieille roche, un parlementaire d’autrefois, passionnément royaliste, mais non moins passionnément hostile aux jésuites et à ce qu’on appelait sous la Restauration le parti prêtre. Personnellement, il était sceptique et même quelque peu voltairien. Il n’apporta cependant aucun obstacle à l’influence exercée par Lamennais sur Mme Cottu et entretint même avec lui de cordiales relations. Quelques lettres à lui adressées par Lamennais ont été publiées récemment. Ces lettres sont exclusivement politiques, car M. Cottu, tout magistrat qu’il fût, faisait paraître de temps à autre des brochures où il ne se faisait pas faute de critiquer sévèrement la politique du gouvernement qu’il servait. D’accord avec lui sur les critiques, Lamennais ne l’est pas sur les conclusions. M. Cottu ne voit de salut que dans l’autorité et Lamennais que dans la religion. Ces lettres sont curieuses, car Lamennais y fait preuve de ce sens prophétique qui, chez lui, se mêlait à beaucoup d’illusions et de divagations. C’est ainsi que, trois ans avant la Révolution de 1830, il prévoit le triomphe du principe démocratique en Europe comme en France et il prédit non seulement la « République conventionnelle, » mais le « despotisme impérial. »

Pendant ce temps, la correspondance continuait entre Lamennais et la baronne Cottu, plus ou moins active suivant que Lamennais est ou non à la Chênaie. Ces lettres seront prochainement publiées. On les lira, je crois, avec intérêt, car dans la volumineuse correspondance de Lamennais, elles présentent un caractère presque unique. Ce ne sont pas précisément des lettres de direction, car Lamennais n’a jamais été, au sens catholique du mot, le directeur de la baronne Cottu. C’est au confesseur qu’il lui avait probablement donné, l’abbé Desjardins, qu’il la renvoie