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lecture nous laisse assez froids aujourd’hui, mais qui transportait alors jusqu’aux ouvriers chargés de l’impression, Grégoire XVI fut « saisi d’horreur. » On sait qu’il y répondit par une condamnation formelle et explicite. Mais les termes mêmes de la lettre que je viens de citer montreraient une fois de plus, s’il en était besoin, qu’au moment où il s’engageait dans cette voie funeste, Lamennais ne prévoyait pas les négations successives auxquelles rapidement elle le conduirait, et qu’il était sincère lorsqu’il donnait ses paroles comme celles d’un Croyant.


VI

Ce qu’on chercherait vainement dans la correspondance de ces années, ce serait un écho des démêlés de Lamennais avec le Saint-Siège et de la crise intérieure qu’il traverse. Il se borne à informer Mme Cottu par un court billet de la suspension de l’Avenir et de son départ pour Rome. De ses sentimens personnels, des condamnations successives dont ses doctrines, puis sa personne sont l’objet, pas un mot. On sent qu’il a le parti pris de tenir Mme Cottu en dehors du drame qui se passe alors dans sa conscience et qu’il veut lui laisser tout ignorer. Mais Mme Cottu n’était pas dupe de ce silence. Elle le connaissait trop bien pour ne pas deviner la tempête à laquelle il devait être en proie. Dans les lettres que de Lausanne elle écrit à Benoist d’Azy, on peut suivre les progrès de son inquiétude. Ce n’est pas sans crainte qu’elle apprend le départ pour Rome des trois fondateurs de l’Avenir. « Le motif de ce voyage, écrit-elle, me donne une vraie douleur. Hélas ! pourquoi cet homme, si élevé au-dessus des autres hommes, s’est-il mêlé parmi eux ! Pourquoi n’a-t-il pas suivi le conseil que vous lui donniez ! Méconnu, calomnié comme son divin maître, puisse-t-il avoir comme lui une inépuisable résignation à opposer aux épreuves qui lui sont envoyées ! »

Cette inquiétude redouble au commencement de l’année 1834. Elle trouve « dans l’amertume de son cœur » qu’il n’y avait « ni dignité, ni conséquence dans la route où M. de Lamennais était près de s’engager. » Aussi s’est-elle réjouie d’une soumission « qui seule pouvait s’accorder avec les principes qu’il avait si hautement professés. « Mais cette soumissionne suffit pas à la rassurer. Elle redoute les inconséquences de cet esprit mobile