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Et je n’entendis plus que ce rire nocturne
Plus fort que les senteurs des terrasses de miel,
Plus vif que le sursaut des sources dans leur urne,
Plus clair que les astres au ciel.

— Je le prends dans mes mains chaudes comme la lave,
Je le mêle aux parfums de mon éternité,
Ce rire des humains, si farouche et si grave,
Qui prélude à la volupté !


LES SOIRS DU MONDE


O soirs que tant d’amour oppresse,
Nul œil n’a jamais regardé
Avec plus de tendre tristesse
Vos beaux ciels pâles et fardés !
J’ai délaissé dès mon enfance
Tous les jeux et tous les regards,
Pour voguer sans peur, sans défense,
Sur vos étangs qui veillent tard.
Par vos langueurs à la dérive,
Par votre tiède oisiveté,
Vous attirez l’âme plaintive
Dans les abîmes de l’été.
— O soir naïf de la Zélande,
Qui timide, accouru, riant,
Semblez raconter la légende
Des pourpres étés d’Orient !
Soir romain, aride malaise,
Et ce cri d’un oiseau perdu
Au-dessus du palais Farnèse,
Dans le ciel si sec, si tendu !
Soir bleu de Palerme embaumée,
Où les parfums épais, fumans,
S’ajoutent à la nuit pâmée
Comme un plus fougueux élément !
Sur la vague tyrrhénienne
Dans une vapeur indigo,
Un voilier fend l’onde païenne