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SOUVENIRS DE SARDAIGNE

En février 1900, voulant sortir des sentiers parcourus par les milliers de touristes qui, chaque année, s’abattent au printemps sur le littoral de la Méditerranée, l’idée me vint de visiter la Sardaigne. J’allai demander des renseignemens sur cette île à un Italien résidant à Paris. En entendant mon projet, sa surprise fut extrême : « Pourquoi allez-vous en Sardaigne ? » « Pour voir un pays plein de couleur locale, dit-on, semé de ruines mystérieuses, où ne vont que peu de personnes, pour chasser et pêcher, » lui répondis-je. « Oh ! c’est bien simple, reprit-il, je n’ai que deux mots à vous dire : Si vous entrez dans l’intérieur, vous y serez pris par les brigands. Près de la côte, vous y aurez la fièvre, et les autorités locales vous soupçonneront d’être un espion. » Sur ces consolantes paroles, l’entretien se termina ; mon interlocuteur ne savait du reste que peu de chose en dehors de ses sinistres prédictions sur la contrée.

J’allai la semaine suivante en Sardaigne, j’y suis retourné plusieurs fois depuis ; les brigands ne m’ont pas molesté, j’ai même conservé d’excellentes relations avec les habitans, gens simples, hospitaliers. La fièvre n’est pas venue et ne pouvait pas venir, la saison étant bonne, et jamais personne n’a supposé (avec raison) que je venais chercher un point de débarquement pour une expédition hypothétique quelconque.

J’ai rapporté cette conversation pour montrer combien la Sardaigne est loin de l’Italie continentale, malgré la courte distance géographique qui les sépare. Cette remarque ne s’applique cependant qu’aux individus, car, comme nous le verrons plus