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incontestables sont l’objet de portraits médiocres, tandis que des masques superbes sont fournis par des laiderons. Est-il donc un masque appliqué par l’art ? On a pu voir, enfin, que le même portrait produisait sur les contemporains et sur nous des effets très divers et que les éloges ou les critiques qu’on en faisait de son temps devenaient parfois incompréhensibles. Est-il donc un masque appliqué par le temps ?

Et si, passant de la salle anglaise du Jeu de Paume à la salle française, on observe à quel point diffèrent les expressions des femmes de l’un et l’autre pays, femmes du même monde et qui vivaient dans le même moment, on est tenté de se demander : Est-il un masque appliqué par l’éducation nationale ? Où s’arrête le mensonge de l’art et où commence le mensonge de la vie ? Il n’est personne qui, devant ces souriantes énigmes qu’on appelle des « portraits de femmes, » ne se le soit demandé. Pas plus à cette question qu’à toute autre, en esthétique, on ne peut donner une réponse totale et définitive. Mais elle n’est pas vaine si elle nous incline à pénétrer un peu plus avant ces deux aspects complémentaires et contradictoires de la physionomie humaine, presque aussi difficiles à démêler chez nos voisins, dans leur vie, que chez nos aïeux, dans leurs cadres d’or : le masque et le visage.


I. — DANS LA SALLE ANGLAISE

En entrant dans cette fête d’art que nous ont ménagée l’ancien commissaire général de l’Exposition de 1889, M. Georges Berger, accoutumé à porter le succès à tout ce qu’il touche, et M. Armand Dayot, il convient d’abord de saluer le vieux maître qui triomphe dans toutes ces toiles, qui a travaillé à beaucoup d’entre elles et dont cependant on ne parle jamais, auquel on ne rend jamais la justice qui lui est due, dont vous ne trouverez le nom sur aucun catalogue, dans aucun mémoire, à aucune académie savante, dans aucune découverte des érudits, penchés sur les signatures, et qui a tout animé, tout repeint, tout harmonisé, tout embelli : le temps. Aussi bien, cette réunion est son œuvre. C’est le temps qui a rapproché ces peintres ; c’est le temps qui a rapproché ces femmes, et c’est le temps qui a rapproché ces nations. Aux yeux jeunes qui s’ouvrent sur cette fête d’art, ces rencontres semblent toutes naturelles. Que de gens, jadis, n’auraient