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pointant sur le front à l’endroit où la physionomie se rehausse de papillons bleus,… la robe très ample ajustée au corsage, mais laissée flottante au des et sur les côtés,… les grands pans falbalassés d’un double bouillonné sur un tablier de moire bleu ciel que surmonte le parfait contentement de même ton ; les manches courtes, ouvertes en éventail, garnies de triples engageantes de linon blanc festonné et protégées par une barrière falbalassée ornée à la saignée de son nœud. » Le contraste entre les deux salles anglaise et française est fait, en partie, de cette apparition subite de toutes les modes du temps.

Mais il est fait, surtout, des caractères spécifiques de l’art de chaque école. Et ces caractères, nous allons pouvoir les déterminer aisément, si nous considérons, successivement, le dessin, l’éclairage, la couleur et la facture.

Le dessin des Anglais, bon ou mauvais, est vague, flottant ; bon ou mauvais, le dessin des Français est précis. Sauf Hogarth, qui savait tous les traits et proportions de l’homme « comme les vingt-cinq lettres de l’alphabet » et s’y appliquait sans relâche, toute l’école anglaise, au XVIIIe siècle, manque de dessin. On ne croirait jamais que la peinture fut révélée à ce pays par Holbein. Le maître de Reynolds, Hudson dont vous voyez, ici, le grand portrait de femme en bleu, la duchesse d’Ancaster (n° 20), passait pour ne pouvoir placer une tête sur des épaules idoines à la recevoir sans l’aide d’un confrère. Et quant à sa façon de dessiner les mains, vous pouvez en juger par celles-ci. Les autres maîtres, et même les plus grands, escamotent les mains, noient dans l’ombre les bras, évitent les raccourcis, ou, s’ils s’y trouvent acculés, s’en tirent par une brillante pirouette. Si le trait juste est attrapé, on a le sentiment qu’ils ne savent pas comment. Ce sont des batailles gagnées par le hasard. On dirait que les Anglais peignent sur toile nue, de prime abord, sans dessiner et l’on ne se trompe pas. Reynolds disait qu’un peintre doit dessiner avec le pinceau, Raeburn, de même. Il n’y a pas, dans toute la salle, anglaise, une seule main dessinée comme celles de Mme Lavoisier, que David nous montre appuyée sur l’épaule et sur le bureau de son mari : ces mains expertes à manier les éprouvettes comme à dessiner les appareils, ces mains pieuses qui sauront réunir toutes les feuilles éparses de l’œuvre du grand savant. Regardez encore la main de la pianiste Mme de Mongiraud, fille du peintre Ducreux, dans le grand tableau où David la montre assise à